L’ESPRIT DE NOËL: UNE PLONGÉE DANS LA MAGIE FESTIVE DES CADEAUX

Derrière l’échange de cadeaux sous le sapin, il y a la notion de potlach évoquée par l’ethnologue Marcel Mauss.

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Ah, la trêve des confiseurs et les traditions des fêtes de fin d’année ! Cette fameuse trêve, entre Noël et le jour de l’an, marque une période spéciale où les dîners festifs abondent et l’occasion de partager des moments en famille et entre amis.

L’expression « trêve des confiseurs » trouve ses racines à la fin du XIXe siècle, vers 1875, en France. À l’époque, elle symbolisait la pause des débats politiques enflammés entre factions comme les monarchistes, les bonapartistes et les républicains. À cette époque, cette trêve symbolisait la pause prise par les politiciens pendant les fêtes de fin d’année, une période où les débats politiques étaient mis de côté.

Les échanger des cadeaux sont une tradition largement répandue pendant les fêtes. Les présents, méticuleusement déposés sous le sapin décoré, illustrent cette coutume qui s’est réellement développée à partir du XIXe siècle. Auparavant, les cadeaux étaient plutôt offerts à la Saint-Nicolas, le 6 décembre, dans certaines régions.

Certes , la dimension commerciale de cette période peut susciter des débats, mais Noël reste un rituel collectif, ancré dans notre mythologie culturelle et religieuse. Émile Cioran soulignait , « le cauchemar de l’opulence » en cette période, mais il ne faut pas sous-estimer l’importance des traditions et de la générosité qui s’expriment à travers les cadeaux, les visites et les vœux de fin d’année.

En somme, la trêve des confiseurs offre une opportunité précieuse pour se ressourcer de célébrer les liens familiaux et amicaux, et exprimer notre générosité envers autrui. C’est un moment privilégié pour créer des souvenirs impérissables et aborder la nouvelle année avec optimisme et bienveillance.

L’esprit de Noël est un mélange de profane et de sacré auquel nous nous prêtons de bonne grâce ou en rechignant, mais qui reste une norme collective. Le sociologue Émile Durkheim pense l’expérience du sacré comme celle d’une communion avec le groupe, et il ne voit « dans la divinité que la société transfigurée et pensée symboliquement ». La démonstration du sacré se fait à travers l’échange de cadeau, le simultané. Faire des cadeaux est un geste ancestral qui est une forme du gaspillage cérémoniel lié à toute fête.

Dans notre société contemporaine, l’échange de cadeaux sous le sapin est la fois don et marchandise. L’enfant, même s’il croit au Père Noël, mémorisera cette valeur symbolique du cadeau, et il reproduira une fois devenu adulte ce don. Le cadeau de Noël correspond à cette forme d’échange qualifiée par l’anthropologue Marcel Mauss (au sujet du don) comme une triple obligation qui consiste « à donner, recevoir et rendre ». Derrière l’échange de cadeaux sous le sapin, il y a la notion de potlach évoquée par l’ethnologue Marcel Mauss dans son ouvrage Essai sur le don. Forme et raison de l’échange dans les sociétés archaïques. Le potlach c’est l’essence du don, et il explique ( toujours en partie) l’esprit de l’échange de cadeaux à Noël.

Avant qu’il ne trouve sa place sous le sapin, le rituel collectif de l’échange de cadeaux devient exigeant: cette « fièvre acheteuse » propre à l’esprit de Noël met à rude épreuve le porte-monnaie et requiert une dose considérable d’imagination pour dénicher le présent parfait qui saura ravir.

À l’approche de la date tant attendue de Noël, l’effervescence consumériste s’intensifie. Les célébrations de fin d’année sont solidement ancrées dans nos habitudes, évoquant une logique comportementale qui encourage l’achat précoce des cadeaux dès l’ouverture commerciale en novembre.

Idéalement, il serait préférable d’acheter les cadeaux dans des conditions optimales, évitant ainsi la précipitation dans les magasins bondés à la dernière minute, où le risque de rupture de stock ou de non-conformité aux critères désirés (taille, couleur, forme) est élevé. Ce comportement serait considéré comme rationnel.

Pourtant, qu’il s’agisse de Noël, de cadeaux ou non, le consommateur rationnel demeure une abstraction. Nos choix d’achat sont d’abord influencés par des facteurs émotionnels et cognitifs. Lorsqu’il s’agit des cadeaux de fin d’année, s’ajoute à cela une autre dimension liée à ce rituel collectif.

Les fêtes de fin d’année représentent une occasion privilégiée pour réunir la famille au grand complet. L’échange de cadeaux, censé renforcer les liens, sert également à réévaluer la position de chacun au sein de son réseau familial et relationnel. Pourtant, même de manière inconsciente, ce rituel peut susciter chez certaines personnes de l’anxiété et du stress.

Les présents que nous offrons révèlent la nature de nos relations avec notre entourage, et leur impact perdure bien après leur remise. Selon certains spécialistes en psychologie, pour ceux pour qui cette pression devient trop anxiogène, repousser les achats de cadeaux jusqu’au dernier moment pourrait être une tentative d’échapper à cette tension.

La variété des options, surtout pendant les festivités de fin d’année, ne garantit pas le bien-être. La quête effrénée des cadeaux peut rapidement tourner au cauchemar. Des études ont révélé que rechercher systématiquement le choix parfait engendre davantage de perturbation émotionnelle que la simple acceptation du premier article trouvé. Dans un magasin offrant une multitude de cadeaux, la prise de décision devient une source de tension psychologique et épuise les réserves émotionnelles. L’abondance cesse d’être plaisante pour devenir anxiogène.

ll semble que ceux qui attendent le dernier moment pour leurs achats s’épargnent émotionnellement en optant pour le premier article venu pour leurs cadeaux. Après tout, n’est-ce pas l’intention qui prime ?

Acheter les cadeaux à l’avance ou au dernier moment, est-ce important? La véritable essence ne réside-t-elle pas dans l’esprit de Noël ?

Ce fameux esprit de Noël semble se manifester à travers l’activation de certaines zones du cerveau, révélé par des études utilisant l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRM). Des chercheurs danois ont rapporté ces découvertes dans l’édition de Noël du « British Medical Journal » en 2017. Bien que le sujet puisse sembler farfelu, ces neurologues ont suivi une méthodologie rigoureuse, soulignant toutefois que la complexité de la psyché humaine ne se réduit pas à une simple cartographie cérébrale.

D’après ces neurologues danois, l’esprit de Noël se traduit par une activation des zones cérébrales associées au toucher, à la spiritualité, à l’interprétation des expressions émotionnelles et à la capacité de se connecter au monde extérieur.

Ainsi, gardons cette faculté d’imaginer, de croire à la magie de Noël et de savourer le plaisir des cadeaux sans retenue.

Auteur : Nicole Bétrencourt

Psychologue clinicienne, psychosociologue

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