PSYCHOTHÉRAPIE D’UNE PRINCESSE SATANIQUE

Le cas clinique de de la Princesse Satanique est la plus célèbre affaire de supposé rite sexuel sataniste. En réparation du préjudice causé par cette dérive de la psychothérapie, Patricia obtint 10,6 millions de dollars de dommages et intérêts.

Nous sommes en 1995. documentaire. Frontline, chaîne de TV diffuse l’émission « A la recherche de Satan » où l’une des séquences montre Patricia Burgus en thérapie avec le psychiatre Bennet Braun. Son histoire estracontée e dans « Science and Pseudoscience in clinical psychology », ouvrage qui répertorie les dérives des psychothérapies et leurs fondements pseudo-scientifiques.

Patricia est mère au foyer. Elle a vingt neuf ans. Après la naissance de son fils en 1982, elle souffre de dépression post-partum. Pour en venir à bout, elle va suivre une thérapie avec une travailleuse sociale. Rien d’extraordinaire en cela car beaucoup de femmes soufrent de dépression post-partum et une prise en charge médicale adéquate permet de la traiter.

Cette thérapeute utilise la méthode du jeu de rôle et incite Patricia à parler avec une voix d’enfant, en attribuant des surnoms à chacune de ses humeurs comme Super slow et Religious One (Patricia était très croyante). Elle lui met entre les mains une brochure sur le trouble des personnalité multiples (TPM), ce qui convainc Patricia qu’elle en en souffre. La psychothérapeute la recommande au docteur Braun, psychiatre et spécialiste du TPM, exerçant au prestigieux hôpital presbytérien de Chicago.

Pendant plus de deux ans, Patricia va être internée. Lors de ce séjour, elle suivra quotidiennement des séances d’hypnose, prendra des psychotropes puissants, et sera attachée régulièrement avec des sangles de cuir. Patricia ne souffre pas que de dépression post-partum mais surtout du « Trouble des Multiples Personnalités », l’une des conséquences du Rite sataniques d’Abus Sexuels (ASRS). Une notion née en 1980 et employée par Lawrence Pazder, un psychiatre canadien.

Pour comprendre l’aberration du rituel satanique, il faut évoquer en quelques mots l’Amérique des années 90 obsédée par la violence des cultes sataniques, réels ou imaginaires. Durant cette période, les rumeurs sur les adorateurs du Diable vont aller bon train et faire tâche d’huile jusqu’à l’hystérie collective. Les médias font circuler des vidéos supposées tournées par les adorateurs de Satan. Enregistrement de messes noires où des adolescentes seraient violées ainsi que des sacrifices rituels des bébés. De quoi faire froid dans le dos! Après enquête, le FBI a affirmera qu’il n’y avait absolument aucune preuve de l’existence d’un seul cas d’abus rituel satanique dans toute l’Amérique.

Cette vague d’allégations mensongères est connue sous le nom de Satanic Panic ou panique satanique. Une dénomination culturelle anglo-saxonne de l’hystérie collective liée au satanisme.

Le contexte dans lequel s’est développé cette hystérie collective est particulier. Outre Atlantique, les adorateurs de Satan ont pignon sur rue à l’instar de ceux de l’Église sataniste d’Anton Sanzdor LaVay. Surnommé « le pape noir », il fonde son église en 1966. Dès les années 80, des télévangélistes, des Pentecôtistes, fondamentalistes et encore plus surprenant des thérapeutes dénoncent sur de simples rumeurs les activités criminelles des satanistes.

L’abus sexuel ritualisé sataniste « étiquetait » des personnes violées au cours de messes noires et totalement amnésiques de ces violences. Il se manifestait par un Trouble des Personnalités Multiples suivant les critères du DSM de l’époque. Ce trouble se caractérise par la présence de deux ou plusieurs personnalités distinctes, les alters qui prennent le contrôle de la personnalité principale, l’hôte. Ce dernier ignore l’existence de ses autres personnalités et n’en garde aucun souvenir.

Aujourd’hui, le trouble des personnalités multiples ne figure plus comme tel et a été remplacé par le trouble dissociatif de l’identité ( TDI). À l’époque où existait le TPM, et c’est important pour comprendre l’affaire Patricia Burgus, il a été démontré que c’était les thérapeutes qui induisaient les faux souvenirs et le Trouble des Personnalités Multiples des techniques de récupération des souvenirs à base de suggestion provoquant des États Modifiés de conscience (EMC). Sous la conduite du thérapeute zélé qui le met en EMC, le sujet va avoir des flashs, des images ou des bribes de scènes du trauma originel qui sont automatiquement interprétés comme les souvenirs du trauma.

Pour être diagnostiqué comme souffrant de suites de rites sataniques d’abus sexuels, le patient devait répondre à plusieurs critères dont celui d’avoir été violenté par ses parents membre d’une secte sataniste, avoir participé à des rites cannibales et à des sacrifices de bébés. Tous ces critères seront remplis pour Patricia par le Dr Braun. Sous son influence et conditionnée à bloc, Patricia en arrivera à dire, de bonne foi, qu’elle avait été violée par des panthères, des tigres et des gorilles.

Le bon Docteur fit non seulement hospitaliser Patricia mais également ses deux fils, âgés respectivement de quatre et cinq ans car eux aussi supposés souffrir du Trouble des Multiples Personnalités car étant un signe de famille dysfonctionnelle. Ils alléguèrent que leur mère pratiquait bien un culte satanique, qu’ils avaient eux aussi participé à des rites cannibales où l’on dévorait des bébés encore vivants. Ce fut pris comme argent comptant par l’équipe médicale. Au fil de la thérapie, l’équipe médicale les amena à intégrer le fait qu’ils étaient des « tueurs nés ». La thérapie des enfants de Patricia comprenait des menottes et l’utilisation d’armes à feu pour voir si leur maniement leur était familier. Mieux que le film de Roman Polansky, Rosemary’s Baby, non?

Selon l’équipe médicale, Patricia était une mère incestueuse envers ses fils, était l’hôte de trois cent personnalités, une « princesse satanique » en charge de neuf états américains, et s’était livrée au cannibalisme sur plus de deux mille cadavres.

Le délirant Dr Braun soutint mordicus à la « Princesse Satanique que la viande du hamburger apporté par son mari était d’origine humaine. Au bout de trois ans d’internement, comme l’assurance-santé de Patricia ne couvrait plus ses frais, Patricia sortit de l’hôpital. L’assurance maladie avait déboursé pour elle et ses trois fils la coquette somme de 3 millions de dollars.

Mais comment a-t-on pu laisser le Dr Braun, pourtant psychiatre et exerçant dans un prestigieux hôpital détruire la vie de sa patiente et de ses enfants, abuser de sa confiance?

Le Dr Braun était l’un des leaders du mouvement des souvenirs récupérés. Au milieu des années 1980, il avait publié une vingtaine d’articles sur le trouble des personnalités multiples. Il avait à hôpital de Chicago une unité dédiée à son traitement; son cheval de bataille était le satanisme.

Le cas clinique de la « Princesse Satanique »est la plus célèbre affaire de supposé rite sexuel sataniste. En réparation du préjudice causé par cette dérive de la psychothérapie, Patricia obtint 10,6 millions de dollars de dommages et intérêts. L’ordre professionnel de l’Illinois raya le Dr Braun du conseil de l’ordre pendant deux ans suivi d’une période de probation de cinq ans.

Le docteur Braun contesta le paiement de cette indemnité. Il resta droit dans ses bottes en soutenant que son diagnostic et son traitement étaient adaptés. « il ne croit pas avoir fait quoi que ce soit mal » déclara son avocat en affirmant qu’il ne pouvait pas donner de détails supplémentaires au risque de violer la confidentialité patient/médecin.

L’histoire de Patricia Burgus n’est pas isolée. Il y a eu d’autres affaires judiciaires d’abus rituels satanistes, démontrant qu’il était possible de falsifier la mémoire des patients et de leur faire croire qu’ils avaient fait des actes innommables en pratiquant avec eux « une thérapie fondée sur la régression et des souvenirs récupérés». Les techniques de la mémoire récupérée les plus fréquentes sont l’imagerie guidée, l’hypnose (non médicale) induisaient ces faux souvenirs de messes noires.

Ces thérapies basées sur les « expériences émotionnelles du passé » prises pour des vérités ont pu se propager grâce à la lame de fond du New Age. L’un de ses chantres  est la journaliste américaine Marilyn Ferguson, qui avec son best-seller « La Révolution du Verseau » diffusa les principes de base de cette révolution spirituelle. Une nouvelle approche des psychothérapies fut proposée par l’institut d’Esalen en Californie, et les scientifiques du New Age fondèrent le mouvement de la « Gnose de Princeton ». Bien loin des règles de « l’Evidence Based Medecine», et en créant d’innombrables dégâts dans la psyché de clients qui leur firent confiance, et en propageant des théories pseudo-scientifiques qui perdurent encore dans le développement personnel.

Notes: Le mode opératoire lors d’un diagnostic de ASRS était le suivant : Dans la plupart des cas répertoriés, les clients suivaient une thérapie (soit individuelle ou de groupe) avec un thérapeute adepte du New Age, et en rupture avec la pratique traditionnelle de la psychiatrie. Le thérapeute adhérait aux croyances spirituelles et  pseudo-scientifiques du New Age. La plupart du temps, ces thérapeutes du New Age n’obtenaient pas l’aval des ordres des professionnels car les méthodes étaient considérées comme expérimentales, et peu fiables.

Certains praticiens étaient diplômés en médecine, et appartenaient à des ordres professionnels qui encadraient tant bien que mal leurs pratiques lorsqu’elles dérapaient. Ainsi pour le Dr Fredrickson, qui pratiquait l’hypnose sur les personnes supposées souffrir de d’abus sexuel ritualisé sataniste, l’Ordre n’avait pas réussi à faire comprendre aux patients que «l’hypnose peut donner l’impression d’avoir des souvenirs vivaces, qui en fait sont faux mais contribue à renforcer des convictions (d’avoir été abusé) ». (Walter-Singleton, 1999).

https://culteducation.com/group/1255-false-memories/6529-controversial-doctor-faces-loss-of-license.html

AU SUJET DU LIVRE « SCIENCE ET PSEUDO SCIENCE EN PSYCHOLOGIE CLINIQUE ».

C’est un livre fondamental pour toute personne soucieuse de s’informer judicieusement sur les psychothérapies pseudo scientifiques à partir de la littérature scientifique.

9781462517893

La pseudo science avance masquée. Nous ne sommes pas toujours critiques face à la multiplication des études qualifiées de scientifiques sur des thèmes à forte connotation idéologique, et publiées dans la presse grand public. Nous les prenons comme des vérités. Ors, beaucoup de ces publications sont de la « Junk Science ».

Depuis plus de trente ans, certaines théories et techniques de psychothérapie prétendent traiter les troubles de la psyché, et ce sans avoir fait la preuve de leur efficacité, de la rigueur scientifique voire de l’éthique. Certaines d’entre-elles ont même aggravé ou déstabilisé psychologiquement des patients qui ont fait confiance à des thérapeutes incompétents. Ces derniers mal formés, parfois malhonnêtes, bref douteux.

Les chapelles ou les courant de psychothérapie, diagnostics basés sur des grilles de lecture ou des théories pseudo scientifiques sont légion. Et comment s’y retrouver dans cette jungle?

L’image mise en avant dans  ce post est celle de la couverture du livre Science and Pseudoscience in Clinical Psychology de Scott O. Lilienfeld, Steven Jay Lynn et Jeffrey M.Lohr. Uniquement disponible en langue anglaise. Fort dommage qu’il ne soit pas traduit en français mais le seul titre est éloquent sur son contenu: la science versus pseudo science en psychologie clinique. C’est un livre fondamental pour les étudiants en médecine,  les étudiants en psychologie, des juristes, des chercheurs et toute personne soucieuse de s’informer judicieusement sur les dérives des psychothérapies à partir de la littérature scientifique.

L’une des particularités de cet ouvrage est d’avoir été répertorié un temps dans la base de données Pubmed/Medline.

Dans cet ouvrage, les rédacteurs et les auteurs-contributeurs représentent divers milieux cliniques et universitaires. Le texte et divisé en 5 sections. Il fait état des controverses dans l’évaluation et le diagnostic les controverses générales en psychothérapie. Aussi dans le traitement des troubles spécifiques chez l’adulte et chez l’enfant également. De nombreux sujets sont abordés, tel que l’autisme, le stress post-traumatique, celui de l’identité dissociative et les antidépresseurs (y compris ceux à base de plantes). Chaque sujet cite la littérature scientifique qui soit confirme, soit réfute chaque méthode de traitement proposé à partir de la littérature scientifique.

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Il y a eu deux versions de ce livre. La première date de 2003 (celle répertoriée sur Pubmed). Et la seconde de 2013. Je suggère de disposer des deux éditions car certains chapitres de La première version sont différents de la seconde version même si l’esprit est le même. La direction collégiale comme Scott O. Lilienfeld, Steven Jay Lynn et Jeffrey M.Lohr n’a pas changé, mais certains auteurs ne figurent plus dans la deuxième version. Dont l’excellente psychiatre Margaret Thaler Singer, Phd, department of psychologie, state University of New York at Binghammon (NY).

Margaret est l’auteure du livre « Crazy Therapies » qui dénonce les thérapies du New Age qui participent joyeusement à diffuser la pseudo science en psychiatrie et en psychologie. Livre non plus traduit en français. Elle a voulu introduire dans le DSM (le manuel si honni en France des troubles psychiatriques), le False Memory Syndrome, traduisible en français par les « faux souvenirs induits » causés par des thérapies pseudo scientifiques à base de suggestion et de manipulation de la mémoire. Fausses accusation d’inceste, notamment qui ont amené des pères devant les tribunaux et en prison, tout ceci à cause d’experts-thérapeutes qui avaient falsifié la mémoire de leurs filles.  Dans la première version du livre Science and Pseudoscience, Margaret Thaler Singer a contribué au chapitre 7 intitulé « New Age thérapie ». Malheureusement, malgré sa pugnacité, sa proposition d’inclure le syndrome des faux souvenirs dans le DSM fut rejetée. Elle est décédée en 2003, mais son regard acéré sur les dérives des psychothérapies est toujours d’actualité.

Dans la deuxième version, il y a de nouveaux auteurs qui évoquent également les faux souvenirs est la malléabilité de la mémoire. Dont la psychologue cognitiviste  Élisabeth Loftus, auteure du livre incontournable « Le Syndrome des faux souvenirs, ces psys qui manipulent la mémoire ». Dans cette deuxième version du livre Science and Pseudo science, elle a participé à la co-écriture du chapitre 8 intitulé « Constructing The Past , problematic memory Recovery Techniques in psychothérapy ». Tout un programme!

L’ouvrage « Science and Peudoscience » a reçu l’aval de nombreux professionnels de la santé mentale.

« Il représente une tentative très bienvenue de séparer le blé de l’ivraie dans les pratiques de santé mentale. Cette livre incisif et éclairant doit être amplement lu par les professionnels de la santé mentale, les stagiaires et les médecins qui ont besoin de savoir de quoi il retourne sur les pratiques de santé mentale pour orienter leurs patients.» (Journal de l’Association médicale américaine (la première édition), l’une des revues scientifiques majeures.)

Ou encore « Un livre important. L’accent est mis de plus en plus sur l’évaluation et la thérapie « fondées sur des preuves », mais la science peut être utilisée de manière substantielle ou rhétorique. Ce livre fait un excellent travail en distinguant les deux d’une manière cliniquement pertinente. Ceux qui vendent des thérapies pseudo scientifiques illégitimes à des personnes en détresse violent l’impératif moral de « ne pas faire de mal ». La deuxième édition mise à jour met à jour les principales controverses actuelles et sa liste d’auteurs est impressionnante. Une lecture obligatoire pour les professionnels de la santé comportementale. » (William O’Donohue, Ph.D., Département de psychologie et directeur, Centre de traitement des victimes d’actes criminels, Université du Nevada, Reno)

« Face à des mythes et à des interprétations erronées des pratiques de psychologie clinique, cette deuxième édition transmet des connaissances importantes dans un format accessible. En plus des mises à jour d’experts sur les chapitres existants, il y a plusieurs nouveaux chapitres que je trouve particulièrement précieux. Le chapitre sur la thérapie d’attachement apporte des corrections indispensables aux incompréhensions dangereuses et le chapitre sur la science de la psychothérapie a été largement réécrit, apportant de nouveaux points puissants ( Sherryl H. Goodman, Ph.D., Samuel Candler Dobbs Professeur de psychologie, Université Emory; Éditeur, Journal of Abnormal Psychology )

Ce livre constitue une base de données sérieuses pour toute personne voulant s’informer suivant les règles de « l’Evidence Based Science ».

https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC353046/

Vidéo sur les Faux souvenirs: