EXPÉRIENCE DE MORT IMMINENTE: QUE DIT LA SCIENCE (PARTIE II)?

Sam Parnia propose de ne plus appeler N.D.E ou E.M.I mais « Expérience Transformatrice de la Mort »(T.E.D). Cette nouvelle dénomination empêchera-t-elle les charlatans de s’en emparer?

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Cité dans la première partie du post « Expérience de mort imminente: que dit la science? revenons à Sam Parnia. Son étude multicentrique et transdisciplinaire Aware a débuté en 2008 et a continué avec Aware II (AWAreness during REsuscitation) avec un recrutement ciblé de 1500 patients adultes hospitalisés en arrêt cardiaque.

L’étude comprend une surveillance explicite des niveaux du cerveau et de l’oxygène des patients en arrêt cardiaque via l’oxymétrie cérébrale et l’EEG portable respectivement. Parallèlement, la capacité à détecter des sensations audiovisuelles pendant l’arrêt cardiaque (téléavertisseur, iPad qui émet des stimuli audiovisuels indépendants transmis au patient voa un casque sans fil) . Ainsi grâce à ce matériel high tech, les survivants sont interrogés pour savoir s’ils se souviennent de l’un de ces stimuli.

« Nous essayons d’obtenir un marqueur de la façon dont la relation de la réanimation cérébrale interagira avec la conscience ainsi que la survie et les résultats neurologiques » Parnia. Quand on lit les propos de Sam Parnia, il y a incontestablement une éthique et une honnêteté intellectuelle. Après, est-ce vraiment de la science de chercher à savoir si la conscience survit à la mort physique et à un arrêt du coeur. Tout de même, les lieux d’étude sont des hôpitaux anglais et étasuniens et après tout pourquoi pas? Sam Parnia constate que le retour à la vie n’est pas toujours joyeux: « Alors que certaines personnes reviennent sans problème après une longue période de temps, d’autres reviennent avec des lésions cérébrales».L’étude de Sam Parnia est médicale et la plus précise possible. Une cible photographique avait été mise en place, et elle n’était visible que par quelqu’un flottant près du plafond.

Sam Parnia est rigoureux dans ses propos, et il insiste sur la notion d’arrêt cardiaque: « Seulement, le revers de la médaille est que, que cela nous plaise ou non, nous étudions essentiellement ce qui arrive à l’esprit et à la conscience humains lorsque les gens ont dépassé le seuil de la mort. – c’est-à-dire «l’expérience de la mort imminente»…«c’est un terme que je n’aime pas utiliser, mais je le ferai parce que les gens en ont peut-être entendu parler. Il est inexact parce que les patients que nous étudions sont techniquement allés au – delà du seuil de la mort ». Il relève que les caractéristiques de base des E.M.I sont similaires indépendamment de l’âge et de la culture.

Publié en 2014 dans la revue Rescuscitation, l’étude Aware et par la suite Aware II montre que la conscience externe et l’activité cognitive peuvent se produire durant un arrêt cardiaque; sans que cela ne décrive l’intégralité du processus cognitif au cours de l’arrêt cardiaque ou si des souvenirs peuvent se former chez certains survivants. Ces souvenirs donnent un plus grand sens à la vie (conforteraient-ils les croyances des survivants et aussi ceux des expérimentateurs?), contrastant ainsi avec les S.S.P.T (stress post-traumatique), dépression ou anxiété de certains. Sam Parnia propose de ne plus appeler N.D.E ou E.M.I mais « Expérience Transformatrice de la Mort »(T.E.D). Cette nouvelle dénomination empêchera-t-elle les charlatans de s’en emparer? Rien n’est moins sur!

Selon des chercheurs du Michigan, les sensations et visions, comme celle d’une lumière intense correspondent à un regain d’activité cérébrale quand la circulation sanguine cesse dans le cerveau. Cette recherche effectuée sur des rats et à partir d’enregistrements E.E.G est la première à analyser « les effets neurophysiologistes d’un cerveau mourant », précise Jimo Borjigin, professeur de neurologie à l’Université du Michigan , principal auteur de ces travaux: « Nous sommes partis de l’idée que si cette expérience résulte d’une activité cérébrale, elle devrait pouvoir être détectée chez les hommes comme chez les animaux, même après l’arrêt de la circulation  du sang dans le cerveau », explique la neurologue. Le cerveau serait ainsi capable d’une activité électrique bien organisée aux premiers stades de la mort clinique, caractéristique d’un état de conscience. »

L’étude du Michigan est contestée par chercheurs comme Chris Chambler, professeur de neurosciences cognitives à l’université de Cardiff. Cette recherche n’ayant été menée que sur des rats, on ne sait pas s’ils ont un état de conscience, et on ne peut pas comparer l’encéphalogramme d’un humain à celui d’un rat. Logique, non? « ..il est tentant d’établir une relation entre le regain d’activité des neurones et l’état de conscience mais on se heurte à deux problèmes: le premier est qu’on ignore si les rats ont un état de conscience et, même si c’était le cas, conclure que ce regain d’activité cérébrale est la signature d’un tel état est simplement fallacieux», telle est sa conclusion. Pas d’antispécisme non plus pour Sam Parnia: Pour Sam Parnia, ce n’est pas non plus acceptable: « l’idée qu’à l’instar des rats de l’expérience, un électro-encéphalogramme serait identique chez des humains en arrêt cardiaque « est extrêmement hypothétique et ne s’appuie sur aucune indication tangible»

Les explications scientifiques des E.M.I et l’étude de ses mécanismes psychologiques sont rares. Si elles rendent compte des aspects cognitifs des croyances religieuses, impliquant des aspects affectifs et motivationnels, elles sont difficilement évaluables et compatibles avec la rigueur scientifique.

Une étude publiée en octobre 2018 dans un hôpital multiconfessionnel au Shri Lanka montre que les personnes croyantes sont plus susceptibles de faire des E.M.I que les non croyantes. On s’en serait un peu douté mais l’étude a le mérite d’exister et de donner un cadre scientifique aux E.M.I. Étude réalisée sur 92 patients gravement brûlés, une étude publiée en mars 2017, relie la croissance post-traumatique aux E.M.I . La croissance post-traumatique est un concept de psychologie positive et c’est le processus par lequel une personne ayant vécu un traumatisme connaît des changements positifs dans sa vie. La croissance post-traumatique concerne une minorité de personnes. On peut le concevoir sous l’aspect de la résilience. Les éléments de l’EMI les plus fréquemment rapportés sont une altération du sens du temps, la décorporation, un sentiment de paix, des sensations vives et le sentiment d’être dans un «autre monde. Cette étude est surtout incitative pour les soignants qui ainsi pourraient aider les survivants de brûlures, à  les amener à parler sans tabou des EMI,  à parler de leur spiritualité et de leurs croyances religieuses au fur et à mesure qu’ils se rétablissent.

Alors, l’une des questions qui se pose au sujet des E.M.I est celle de la véracité des souvenirs des expérienceurs. Vrais ou faux souvenirs?

Vanessa Charland-Verville, neuropsychologue à l’Université de Liège, a étudié ce phénomène pour sa thèse avec 319 personnes. Elle constate que l’expérience est plus réelle que la réalité. Avec une méthodologie rigoureuse comprenant, entre autres, le Memory characteristic questionnaire, Vanessa Charland-Verville a comparé d’abord des souvenirs réels avec des souvenirs imaginés. Ces derniers  sont beaucoup moins intenses que des souvenirs réels.

Pour les faux souvenirs, il est encore hasardeux de les comparer à des souvenirs imaginés ou des E.M.I. Concernant ces derniers, ils ne sont pas comparables à des souvenirs imaginés ou des faux souvenirs. Et Il est difficile des les apparenter à des hallucinations ou à des rêves. Il se passe manifestement quelque chose dans le cerveau que la science n’a pas encore élucidé.

Au sujet des E.M.I, il y a incontestablement des manifestations d’état non ordinaire de conscience, et elles sont influencées par la culture. Le tunnel de lumière serait plus occidental. Pour les Indiens, ce serait plutôt un fleuve. Ainsi rapporté par les journalistes Camille Gaubert et Anne-Sophie Tassart, les Indiens et les Thaïlandais relatent souvent des rencontres avec Yama, le dieu de la mort du Bouddhisme et de l’Hindouïsme.

Le sujet des E.M.I/N.D.E reste encore un sujet sulfureux pour les acteurs de la santé. Sur le net, la plupart des explications relèvent  de l’irrationnel, voisinent avec le spiritisme, la parapsychologie, la réincarnation, les OVNI, les voyages astraux et autres phénomènes surnaturels. D’aucuns affirment que la France négligerait l’étude scientifique de ce phénomène, laissant le champ libre aux dérives sectaires. Les chemins de l’au-delà seraient-ils eux aussi semés d’embûches? Les E.M.I gardent encore beaucoup de leurs mystères scientifiques.

Vidéo de Vanessa Charland-Verville sur les E.MI.

Auteur : Nicole Bétrencourt

Psychologue clinicienne, psychosociologue

4 réflexions sur « EXPÉRIENCE DE MORT IMMINENTE: QUE DIT LA SCIENCE (PARTIE II)? »

  1. Bonjour,
    Loin d’éclairer ce phénomène, je trouve au contraire qu’Aware II l’obscurci.
    En effet les résultats me semblent en total contradiction avec les mesures du Pr Jens Dreier en 2019 par électrocorticographie. Comment un organe en train de caler, alors que ses neurones se mettent en stase progressive, pourrait-il encore fonctionner en régime normal, voir en surrégime ?
    Ne faut-il pas voir comme un biais le faite que les mesures n’aient été réalisées que sur des patients RCP ? Une similaire étude comparative en soins palliatifs ne serait-elle pas plutôt nécessaire avant de pouvoir en émettre des conclusions?

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    1. Bonjour, Merci pour votre commentaire éclairé.
      Dans mes deux posts, je voulais souligner que les croyances prenaient le dessus sur le bon sens neurologique. J’ai cité Aware car elle semble avoir eu un impact important. Comme je suis d’accord avec vous sur le sujet des soins palliatifs, en plein dans le mille en ce moment avec la révision de la loi sur la fin de vie. Voilà un vrai sujet.
      J’

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    2. Bonjour,
      Merci pour ce commentaire éclairé. J’ai cité l’étude Aware car elle revenait souvent en boucle. Avec Aware, on est encore dans les croyances et dans la perspective de R.Moody. D’où les biais que vous soulignez. 45 ans après Moody. Ce qui est le cas de S.Parnia! En fait, plus que les NDE, ce sont les phénomènes de conscience déconnectée (la science de la conscience) qu’il faudrait appréhender. Et encore! Tout à fait d’accord avec vous sur les soins palliatifs que je défends. Des conclusions, sur le sujet des NDE, il n’y en a pas, d’après ce que je constate. Des collectes de témoignages.

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