ÉLISABETH KUBLER-ROSS, UNE PIONNIÈRE DE LA THANATOLOGIE!

Elle a brisé l’omerta autour de la mort en développant les soins palliatifs et cette nouvelle philosophie qui fait le fondement de la thanatologie moderne.

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Élisabeth Kubler-Ross et ses soeurs

La naissance et la mort sont les deux extrêmes de la vie, et avec l’allongement de l’espérance de vie grâce aux progrès de la médecine, la grande faucheuse a disparu de notre imaginaire collectif. Nous vivons dans un esprit d’immortalité tant que notre santé est excellente! Ce n’était pas le cas au Moyen Age où la mort était omniprésente, et rappelée par des représentations sur les murs des églises et dans les cimetières de la danse macabre, une sarabande qui mêle morts et vivants indistinctement du statut social, pour leur rappeler qu’ils ne sont pas immortels. Et dans la mythologie grecque, Thanatos personnifiait la mo rt, et il était également le frère jumeau d’Hypnos, la personnification du sommeil, et de Moros, la fatalité.

Aujourd’hui, le symbolisme qui entourait la mort a disparu au profit de la médicalisation de la fin de vie que les lois encadrent. Il existe une discipline méconnue qui est celle de la thanatologie. En 1994, Louis-Vincent Thomas, professeur d’anthropologie à la Sorbonne avait souligné que la thanatologie était d’abord et avant tout une réflexion anthropologique approfondie qui concerne la totalité de la vie, la totalité du fait humain, la totalité même de la culture.
L’une des pionnières de la thanatologie est Élisabeth Kubler-Ross. Ses nombreux ouvrages sur l’acte de mourir ont tous connu un succès planétaire, jusqu’à parfois être aujourd’hui dévoyés par l’idéologie new age. En 1999, le Times Magazine a consacré Elisabeth Kubler-Ross comme l’une des cent personnalités qui a influencé le vingtième siècle. Son best-seller « Les Derniers instants de la vie » (publié en 1969) a bouleversé les mentalités sur la mort. Elle décrypte dans cet ouvrage les cinq stades qui précèdent l’acte de mourir et qui présentent des similarités avec ceux de la phase de deuil.

Cette femme d’exception, née à Zurich le 8 juillet 1926, est la dernière d’une fratrie de triplettes. Elle quitta son pays natal pour les États-Unis en 1958 pour y suivre son mari, Robert Ross, surnommé Manny, qu’elle avait rencontré en Suisse au cours de ses études de médecine. Pendant les années 1960, elle devient médecin-résident de l’hôpital Glen au Community Hospital de Glenn Cove à Baltimore (Maryland) sous la direction de Francis X. Moore. Le Dr Moore par son humanisme a marqué l’esprit des résidents de l’époque et Élisabeth Kubler-Ross.

La vocation d’Elisabeth Kubler-Ross pour l’accompagnement prise des « personnes en fin de vie » est émaillée de faits marquants. En 1945, elle devient membre du Service International pour la Paix et dans ce cadre, elle  va visiter le camp de concentration de Majdanek.  Elle va découvrir sur les murs les dessins des prisonniers qui y ont passé leurs dernières heures. Ce sont des papillons noirs. Elle va les interpréter comme le symbole de la transformation que l’être humain vit au moment de la mort, et qui doit être perçue comme une étape de croissance de l’être humain que l’on ne connaît que lorsqu’on meurt.

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Thanatos, dieu grec de la mort
Dans les années 1970, le Dr. Kubler-Ross est considérée comme le chef de file de la thanatologie. Elle va animer des ateliers un peu partout dans le monde sur l’accompagnement aux mourants. C’est la pleine époque de la contre-culture où la science côtoie le New Age, et cette époque charnière a probablement favorisé la popularité d’Elisabeth Kubler-Ross. Cette femme d’exception a toujours été animée par le souffle de révolutionner l’aide aux autres. En 1981, elle achète une ferme de 300 acres en Virginie, le Head Waters pour y créer un centre de médecine alternative, le Healing Waters.

Elle va prendre en charge les nouveau-nés atteints du SIDA qu’aucune équipe médicale ne voulait assister. Avec l’apparition du virus HIV, la mort était omniprésente plus qu’avec d’autres maladies, et assimilé à l’incurabilité comme le cancer. C’était en l’état des connaissances scientifiques de l’époque, et d’aujourd’hui, le regard de la société et les traitements du Sida ont changé.

Personnalité hors du commun, Elisabeth Kubler-Ross a délibérément tourné le dos à la pratique médicale qu’on lui avait enseigné au cours des ses études afin de soigner différemment. Elle a brisé l’omerta autour de la mort en développant les soins palliatifs et cette nouvelle philosophie qui fait le fondement de la thanatologie moderne. Outre-Atlantique, elle est pour de nombreux médecins l’une des instigatrices du mouvement des hospices modernes qui démarra après la deuxième guerre mondiale. 
Elisabeth Kubler-Ross a contribué à l’instauration des « intentions de fin de vie » (living will). Elles se présentent sous la forme d’un document légal qui permet à chacun de ceux qui le souhaite de faire connaître ses volontés en matière de prise en charge thérapeutique, et notamment lors de la phase terminale et faire part de ses volontés si jamais il était plongé dans un état végétatif. Ce document requiert un certificat du médecin référent et l’avis d’un autre médecin sur l’état du patient en fin de vie. Les intentions de fin de vie sont seulement consultées lorsque le patient n’est plus en état de faire connaître ses dernières volontés.
Après un incendie qui détruisit sa ferme et de sérieux ennuis de santé, Elisabeth Kubler-Ross déménagera à Scottsdale (Arizona) en 1995 près de son fils Kenneth et elle y prendra sa retraite. Elle décédera le 24 août 2004. Sur son monument funéraire est inscrite cette superbe épitaphe : « Diplômée pour danser avec les Galaxies.»
Que reste-t-il aujourd’hui de l’héritage d’Elisabeth Kubler Ross?
Lorsqu’on consulte les sites qui parlent d’elle, on est en droit de s’interroger. Il y a un fossé entre les sites certifiés Hon et HAS sur le soins palliatifs et ceux voués à la mémoire d’Elisabeth Kubler-Ross. Chez ces derniers, la nouvelle spiritualité et la biographie légendaire l’emportent nettement sur le nouveau regard porté sur l’accompagnement des mourants qu’elle a su transmettre et qui fait le fondement de la thanatologie moderne, et correspond au concept de soins palliatifs formalisé par l’O.M.S (Organisation Mondiale de la Santé).
La vocation d’Elisabeth Kubler-Ross d’accompagner les personnes en fin de vie lui serait venue après une EMI ( État de Mort Imminent). Peu importe qu’elle l’ait vécu ou que ce soit une légende, que cela ait bouleversé son regard sur la mort, et ensuite orienté son choix de vie, c’est une affaire personnelle qui n’entre pas en ligne de compte pour pouvoir accompagner les personnes en fin de vie.

Si la pensée d’Elisabeth Kubler-Ross est dévoyée par le New Age,  son héritage est celui d’un médecin qui a levé le tabou de la mort. Elle a su se détourner détourné de la médecine scientiste de ses confrères pour innover dans la prise en charge des personnes en fin de vie.
Note :Au début de l’année prochaine, la révision de la loi en bioéthique rouvrira le dossier sensible qui oppose les partisans de l’euthanasie et ceux favorables au « laisser-mourir »sans acharnement thérapeutique inscrit dans la loi Léonetti. En juillet 2013, le Centre national d’éthique publie son rapport contre la légalisation de l’euthanasie. « Le Comité souhaite que les « directives anticipées » de fin de vie émises par un patient atteint d’une maladie grave, rédigées en présence d’un médecin traitant, deviennent « contraignantes pour les soignants sauf exception dûment justifiée par écrit ». A l’heure actuelle, malgré leur nom de « directives », la loi ne les considère que comme des « souhaits », les décisions étant prises par les médecins.» Cette sémantique fait abstraction des croyances des patients et des soignants. Le terme croyance correspond à des réalités distinctes, et il existe plusieurs types de réalités distinctes qui vont de la simple opinion à l’irrationalité en passant par l’émotionnel. La fin de vie n’échappe pas aux croyances, et il y a toujours une part d’irrationalité car nous avons du mal à conceptualiser notre propre inexistance psychologique, en dehors de la spiritualité et des croyances religieuses d’une vie après la mort.

Auteur : Nicole Bétrencourt

Psychologue clinicienne, psychosociologue

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