L’ULTRA SOLUTION OU COMMENT RATER SA VIE AVEC MÉTHODE !

Avec son humour au second degré, Paul Watzlawick nous tend un miroir implacable : sous couvert de dérision, il dissèque l’art universel de rater sa vie avec méthode.

Le diagnostic ironique de Paul Watzlawick

Après Faites-vous même votre malheur, Paul Watzlawick poursuit, toujours avec sa touche ironique des recettes infaillibles pour rater tout ce qu’on entreprend. Une boucle infernale, qui révèle, sous couvert d’humour, les schémas les plus tenaces de nos comportements dysfonctionnels.

Cette fois, dans Comment réussir à échouer, il s’agit de découvrir…l’art de réussir à échouer.

Alors quel est le mode d’emploi? Tout simple vraiment? Il suffirait de trouver l’ultra solution.

Diable, qu’est-ce que l’ultra solution? Bref, une solution qui élimine non seulement le problème, mais tout le reste avec, omme dans cet exemple figurant dans le livre: « opération réussie, patient décédé ».

Dans ce petit ouvrage tout aussi jubilatoire que « Faites vous-même votre propre malheur ». Watzlawick collectionne ces ultra-solutions, qu’il illustre avec des anecdotes plaisantes.

Mais derrière l’humour, il dévoile une mécanique redoutable : dans la plupart de nos relations, nous jouons des jeux à somme nulle. Si l’un gagne, l’autre perd — et le plus souvent, les deux perdent.

Pour éclairer cette logique implacable, Watzlawick prend comme fil conducteur la mythologie Il convoque la déesse Hécate, figure des carrefours et des choix impossibles, qui incarne ces solutions séduisantes qui se révèlent être des impasses. Il fait également appel aux sorcières, qui nous rappellent la tentation de la pensée magique: des solutions radicales et séduisantes qui, en réalité, mènent à un désastre certain.

Dans Comment réussir à échouer, Paul Watzlawick nous offre une plongée fascinante dans la psyché des joueurs à somme nulle. Il ne s’agit pas d’un jeu de société, mais bien d’une philosophie de vie.

Deux fois plus n’est pas nécessairement deux fois mieux
Un couple, après de longues années d’attente, finit par avoir un fils. L’événement est si exceptionnel qu’ils décident de le prénommer Formidable. Sauf que l’enfant est frêle et discret, et sera l’objet toute sa vie de quolibets avec le fardeau de ce prénom insolite.

Devenu adulte, Formidable, malgré tout mène une existence paisible. Sur son lit de mort, il demande simplement que l’on grave sur sa tombe : « Ci-gît un homme prévenant et fidèle envers sa femme. » Mais même là, son prénom le trahit. Les passants, lisant l’épitaphe, commentent inévitablement : Tiens, c’est formidable. Mais chers lecteurs, comme vous l’avez compris, sous-entendu avec un petit « f », l’adjectif.

Une réaction en chaine de gentillesse?
Un autre exemple met en scène Amadeo. Habitué à vivre selon la logique du joueur à somme nulle est obsédé par l’idée que la victoire de l’autre est sa propre défaite. Sa seule joie est de voir la malchance des autres.

Joueur comme il est, Amadeo Caccivialli, la victoire d’un autre est forcément sa propre défaite. Il vit dans la peur constante d’être floué et, pour se protéger, il s’est forgé une carapace.

L’une de ses délectations c’est d’observer la malchance des autres, car elle confirme sa vision cynique du monde. Un jour, cette forteresse mentale est ébranlée par un événement inattendu. Amadeo vient de se garer et un inconnu court après lui. Il s’attend au pire, mais l’homme se contente de l’avertir que ses phares sont allumés, puis tourne les talons. Pas d’autres commentaires, juste de la simple courtoisie. Cet acte désintéressé est pour Amadeo une anomalie. Habituellement, si cela était arrivé, avec un autre automobiliste, il se serait délecté à l’idée que le lendemain matin, la batterie de la voiture soit à plat. Mais là, ce coup ci, c’est lui qui reçoit un geste gratuit, et ça le déstabilise complètement.

Et la suite des évènements révèle un changement étrange chez Amadeo. Un jour, il trouve un portefeuille rempli d’argent. Il pourrait le garder, c’est ce que son esprit de joueur à somme nulle lui dicte. Mais le souvenir de l’inconnu le turlupine. Il décide de retrouver le propriétaire et de lui rendre le portefeuille.

L’homme qui vit dans une maison modeste, incrédule de retrouver son portefeuille intact, lui offre une récompense. Amadeo la refuse. Comment, quelqu’un peut-il refuser une gratification monétaire ? Qui de nos jours n’aurait pas été vénal ?

Amadéo, dans cette situation, n’en tire aucun bénéfice matériel, mais ce refus est une victoire bien plus grande à l’opposé de son ancienne personnalité, celle qui manquait cruellement d’empathie.

Il gagne en gratitude et en estime de soi. Le geste d’Amadeo a enclenché une réaction en chaîne: en cessant de jouer selon les anciennes règles de la trahison et du gain matériel, Amadeo accomplit une véritable rupture comportementale.

Il n’a pas trouvé une nouvelle manière de jouer au même jeu; il a changé le jeu lui-même. Sa victoire n’est plus la défaite de l’autre, mais une victoire relationnelle et morale qui lui offre un sentiment de valeur inédit. Le fait qu’il perturbe le cynisme de l’autre prouve que sa nouvelle démarche est aux antipodes de son ancienne logique de joueur à somme nulle. Le fait d’ébranler le cynisme de l’autre témoigne d’un changement radical de sa personnalité: il a remplacé la méfiance et le calcul par l’ouverture et la confiance

Ce basculement est similaire au concept du film « Un Monde Meilleur » (Pay It Forward): Amadeo rompt avec la logique de l’échange direct (la récompense) pour initier une chaîne d’altruisme désintéressé, prouvant ainsi qu’il a abandonné le modèle de joueur à somme nulle pour adopter une nouvelle monnaie d’échange basée sur la bienveillance. 

Ce brave monde digitalisé

« Le chapitre Ce brave monde digitalisé mérite toute notre attention : il anticipe avec justesse révolution numérique de ces vingt dernières années ainsi que l’essor de l’intelligence artificielle. Une étude superficielle de l’histoire met en évidence que l’irrationalité de l’homme est à l’origine de tous ses maux.

Ce chapitre Ce brave monde digitalisé vaut vraiment le détour, car très prémonitoire sur la révolution numérique de ces vingt dernières années et sur l’avènement de l’intelligence artificielle. Une étude superfiielle de l’histoire met en évidence que l’irrationalité de l’homme est à l’origine de son malheur.

Pour Watzlawick, nous n’avons jamais dépassé le stade des instincts et des émotions brutes. Comme lui, en observant l’actualité, force est de constater que l’humanité n’a pas encore atteint l’état d’Homo Sapiens. Le contraste est d’autant plus frappant que l’Intelligence Artificielle (IA) est désormais imbriquée dans toute la société. Contrairement à nous, prisonniers de nos biais cognitifs et de nos émotions, l’IA n’est pas lunatique : elle est purement algorithmique et n’exige qu’une rationalité de données.

Watzlawick voyait la télévision comme le cousin germain de l’ordinateur. Il dénonçait son obscénité, manifestée par le spectacle des tragédies ou les questions absurdes. Or, ce flot continu de médias — de la TV aux réseaux sociaux — amplifie cette obscénité. Sur les plateformes, l’algorithme ne cesse d’amplifier ce phénomène. En nous servant un flux continu et personnalisé d’informations et de drames, il rend l’évasion du « jeu social » quasiment impossible. Il nous plonge dans une véritable infobésité, laissant le spectateur non seulement surinformé, mais totalement submergé.

Comme dans Faites-vous même votre malheur, Paul Watzlawick poursuit ici son exploration des chemins tortueux de l’esprit humain. Dans Comment réussir à échouer, il décortique notre propension à chercher des solutions définitives à des problèmes provisoires, quitte à tout détruire sur notre passage. Il nomme ultra solution ce geste radical par lequel, en voulant résoudre le problème, nous l’anéantissons avec tout le reste. Ce livre, à la fois drôle et cruel, nous tend un miroir: et si nos échecs les plus cuisants n’étaient que le reflet de notre obsession à vouloir tout maîtriser ? Watzlawick, avec sa lucidité ironique, nous rappelle que parfois, la véritable sagesse consiste à renoncer à gagner — pour enfin cesser d’échouer.

Cette interview de Paul Watzlawick vous offre une occasion rare d’entrer dans l’univers de ce grand psychologue. Il y aborde ses théories sur la communication et les problèmes humains, non pas avec un ton académique, mais avec une finesse et une légèreté surprenantes.

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Auteur : Nicole Bétrencourt

Psychologue clinicienne, psychosociologue

Une réflexion sur « L’ULTRA SOLUTION OU COMMENT RATER SA VIE AVEC MÉTHODE ! »

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