
Inquiétant, n’est ce pas? Allons nous indéfiniment perdre des points de QI dans les prochaines décennies?
Pour comprendre ce qu’il en est, quelques généralités sur le QI. Le quotient intellectuel (QI) est le résultat d’un test psychométrique censé fournir une indication quantitative standardisée de l’intelligence humaine. Un test de QI ne mesure que l’intelligence de base ou l’intelligence innée.
L’observation de cette baisse du QI est à corréler avec l’effet Flynn (EF), du chercheur du même nom. Le terme fut inventé par Richard Hermstein et Charles Murray (auteurs de Bell Curve). L’effet Flynn désigne une découverte à propos des résultats des tests de QI et partant du postulat qu’ils s’améliorent de génération en génération. L’effet Flynn a été conçu pour évoquer l’augmentation de la moyenne du QI de 3 à 5 points environ tous les 10 ans. L’EF n’est qu’une tendance. Il revient à dire que la somme des résultats des tests d’une population donnée est toujours inférieure à la somme des résultats individuels. Suivant les dernières observations, ce serait maintenant l’inverse.
Mais que capture vraiment l’effet Flynn? Comment définir l’intelligence? Existent-ils d’autres évaluations de l’intelligence autres que celle du QI qui permettraient d’être plus optimistes sur cette baisse générale du QI?
L’intelligence est incontestablement au sommet du modèle hiérarchique des capacités cognitives qui comprend un niveau moyen de facteurs de groupe tels que les domaines cognitifs, des aptitudes verbales, spatiales et de la mémoire. Le noyau de l’intelligence est cette capacité à raisonner, à planifier, à résoudre des problèmes, à appréhender des idées complexes, à apprendre rapidement et être capable de tirer les leçons de l’expérience. Les tests les plus connus servant à mesurer le QI que l’on retrouve dans les études scientifiques sont le WAIS et le WAIS-R de Weschler, le WISC, le Stanford-Binet, la NEMI, le Culture Fair Intelligence (Catell). A l’intérieur de ces tests, i y a des sous-tests qui affinent le type d’intelligence.
La plupart des tests de QI sont fortement associés à l’intelligence fluide suggérant moins une augmentation de l’intelligence cristallisée. L’intelligence fluide et l’intelligence cristallisée (respectivement Gf et Gc) sont des facteurs de l‘intelligence initialement identifiées en 1941 par Raymond Catell repris et développés par John L-Horn pour la théorie Gf-Gc qui en découle. Celle-ci met en évidence un modèle hiérarchique de l’intelligence englobant la mémoire à long terme (Glr), la mémoire à court terme (Gsm) ou encore la vitesse de traitement (Gs).
Là où ça devient complexe, c’est quand on se penche sur les causes de l’intelligence. Force est de constater que la science s’aligne sur des valeurs ou une idéologie en vogue à un moment donné. Alors là, tout est permis, le pire comme le meilleur! Certaines interprétations peuvent s’avérer tendancieuses si elles servent une idéologie douteuse.
Dans les tests de QI, on part du principe que, la part de l’héritabilité de l’intelligence augmente d’environ 20% dans la petite enfance et (peut-être) à 80% à l’âge adulte. Aucun trait n’est hérité à 100 pour cent, d’où l’importance des influences génétiques et environnementales conduisant à l’interaction entre les gènes et l’environnement. C’est l’épigénétique.
En 1955, le psychologue de l’éducation, Cyril Burt publie sa première enquête sur le sujet de l’héritabilité du QI en s’appuyant sur l’observation de vrais jumeaux, selon les lois classiques de Mendel. Ce psychologue exercera une influence considérable au ministère de l’éducation en Grande Bretagne. On basera les admissions dans les classes supérieures sur des tests de QI, et ce dès l’âge de 11 ans. Son étude sur l’héritabilité du QI se révèlera biaisée, mais pendant des années, elle servira à justifier la réussite socio-économique par classe sociale en Angleterre. Il faudra attendre sa mort en 1971 pour que les biais méthodologiques de ses études soient dénoncés. La recherche de Cyril Burt était mal conduite. On parlera de fraude scientifique et on traitera d’imposteur mais à l’époque, la psychologie était une discipline balbutiante, moins scientifique qu’aujourd’hui avec ses nouveaux outils d’investigation scientifique et les neurosciences.
L’observatoire de zététique cite ces psychologues qui pensent que le QI est à la fois déterminé par des facteurs sociaux et génétiques. L’idée est la suivante (grosso modo): 50% de facteurs génétiques, 50% de facteurs sociaux. En fonction de cela, les inégalités dans la réussite scolaire et professionnelle entre groupes ethniques s’expliquent par le fait qu’ils n’ont pas évolué dans le même environnement. Les tenants de cette posture sont Richard Lyn, Jensen, Philippe Rushton, Hermstein et Murray (The Bell curve). Précisons que les études scientifiques anglo-saxonnes entre groupes ethniques font partie de la méthodologie admise dans la recherche, et elles ne déclenchent pas un tollé comme en France. Force est de constater que dans la vulgarisation scientifique, c’est la porte ouverte aux dérives interprétatives.
Dans le volume 53 de la Revue Intelligence, se trouve un article de Dutton et Lynne de 2015 qui traite des des causes biologiques (en relation avec l’effet Jansen) liées l’immigration, incriminées dans la baisse du QI des Français entre 1999 et 2008. Tout esprit curieux est libre d’aller consulter les articles de Jansen, et d’en tirer les conclusions qu’il souhaite. En prenant garde que la méthodologie et les résultats d’une recherche n’ont pas la même connotation interprétative pour un scientifique que pour un néophyte. Si l’on accepte uniquement le mécanisme de l’héritabilité du QI, ce serait admettre le peu d’effets de l’environnement. Les gènes ont besoin d’un environnement approprié pour s’exprimer. Aujourd’hui, on sait que les différences entre groupes (notamment ethniques), ne sont pas. uniquement d’ordre génétique ou biologique, mais peuvent être culturels.
Dans les années 90, Robert Plomin du King’s College a essayé d’identifier les gènes propres à l’intelligence. Le séquençage du génome humain s’avérait prometteur mais l’utilisation des techniques d’ADN s’est avérée bien plus complexe que prévu. Les études d’association pangémonique (en anglais : genome-wide association studies ou GWAS) furent utilisées pour déterminer les facteurs génétiques responsables des facultés cognitives. Et ainsi on pensait trouver le gène de l’intelligence. Au départ, les GWAS avaient été conçues pour identifier les facteurs de risque associés à la vulnérabilité aux maladies. Les chercheurs, sans trouver un gène spécifique à l’intelligence, ont démontré que l’intelligence est influencée par de nombreux gènes. Bref, aucune localisation du QI dans le cerveau.
L’évolution du QI au cours du temps :
En mai 2013, la revue Intelligence affirme que les hommes étaient plus intelligents à l’époque victorienne qu’aujourd’hui. À la fin du XIX siècle, avec l’explosion de l’innovation technologique le génie humain aurait décliné. En 1889, le temps de réaction moyen (Gs) d’un homme était de 183 millisecondes alors qu’il serait de 253 millisecondes en 2004. La baisse du QI serait de 1,23 point par génération, soit 14 points.
Restons optimistes pour l’avenir. Tout ne tourne pas autour du QI et de l’EF. Il y a aujourd’hui une prise en compte des émotions dans la préhension de la psychologie de l’individu et de son intelligence. Avec le Quotient Émotionnel notamment!
Ce sont les chercheurs Mayer et Salovery qui ont initié le travail autour de l’intelligence émotionnelle. Popularisé par Goleman, le concept d’intelligence émotionnelle va devenir une piste prometteuse pour de nombreux chercheurs et pour la psychologie. Jusque là, on estimait que le Q.I était le garant d’une réussite sociale pour celui qui avait explosé les scores des échelles métriques de QI.
L’intelligence émotionnelle attire de nombreuses critiques de la part des spécialistes. Le QE est un ensemble de qualités qui n’apparait pas des tests de Q.I comme la motivation, la confiance, l’optimisme ou le bon caractère. On trouve dans la base de données Pubmed des études sur le QE. Comme le style de parentage relié à l’anxiété de l’enfant dans les soins dentaires. Nous avons besoin du QE pour comprendre les autres et nous adapter aux situations sociales. L’architecture neuronale en identifiant le réseau lié aux aspects sociaux et affectifs (régions frontales et pariétales) ont montré l’existence de l’intelligence émotionnelle; et c’est particulièrement visible chez les personnes atteintes de lésions cérébrales.
Il faut aussi tenir compte des compétences adaptatives (communication, autonomie dans la vie quotidienne, socialisation, motricité) évaluées par l’échelle des compétences de Vineland. Par contre, les compétences de l’être humain pour faire face aux difficultés matérielles sont restées stables au cours du XX siècle alors que le QI a progressé.
-Les facteurs influençant le QI sont la naissance prématurée, l’hypothyroïdie, la trisomie. Un déclin marqué du quotient intellectuel (jusqu’à 8 points entre les deux mesures) a été retrouvé chez ceux qui ont commencé à consommer du cannabis très jeune.
Et sur la mouvance écologique, la thèse très controversée des perturbateurs endocriniens. Selon l’endocrinologue Barbara Demainex, les perturbateurs endocriniens affecteraient le développement du cerveau, favoriseraient les désordres de type autistique ou des troubles de l’attention. Bref, la pollution altèrerait notre intelligence et notre santé. Ainsi le QI des générations futures baisserait inéluctablement l’on suit cette thèse à la lettre.
Les zones du cerveau ont montré une relation directe entre leur activité et l’évolution du QI. Celles correspondant à la lecture, la dénomination d’objets ou encore la résolution de problèmes s’activant davantage chez ceux dont le QI a augmenté. C’est ainsi que Patrick Lemaire, professeur en psychologie, spécialiste du développement et du vieillissement (CNRS & Université de Provence) pense que les adultes et la société doivent porter une attention toute particulière à l’éducation et à l’environnement des jeunes puisque cela influence directement leurs capacités intellectuelles. Dans les populations les plus fragiles, il est indispensable de tout faire pour stimuler les adolescents pour qu’ils maintiennent qu’ils augmentent leur QI. Avoir la possibilité de gagner ou de perdre 20 points, c’est vraiment colossal.»
Je remercie le Dr Jean-Marie Lemarchant, Médecin chef honoraire de Service des Hôpitaux Publics qualifié en gastro-entérologie et Endocrinologie nutrition pour la relecture de ce post et ses suggestions.
Notes:
Aux États-Unis, on estime qu’entre 1971 et 2002, les élèves de CM1 et de 4 ème ont Progressé de 4 points de QI. En revanche, en terminale, on n’enregistre aucune progression. Flynn émet des hypothèses. Les enfants ont mobilisé les compétences calculatrices dès leur plus jeune âge mais n’ont fait aucun progrès dans le raisonnement mathématique.
Les neurosciences cognitives ont fait d’énormes progrès dans la compréhension de l’architecture neuronale de l’intelligence humaine en identifiant un réseau largement distribué des régions frontales et pariétales qui soutiennent un comportement intelligent dirigé vers un objectif. On a pu mesurer les contributions de ce réseau aux aspects sociaux et affectifs avec des patients atteints de lésions cérébrales. Lié à l‘intelligence émotionnel.
Sources:
http://sante.lefigaro.fr/actualite/2012/08/07/18773-maladies-genetiques-risque-augmente-avec-lage-pere
http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0160289615001221http://www.zetetique.fr/index.php/forum/15-science/22891-qi-facteur-socio-culturel-ou-genetique-https://fr.wikipedia.org/wiki/James_R._Flynn
http://www.who.int/mediacentre/factsheets/fs379/fr/
C’est frustrant de voir des articles comme les votres aussi intéressants avec aussi peu de commentaires mais ce site a vraiment de l’avenir, c’est une grande source de réflexion et de savoir !
En lisant l’article j’étais contente de voir l’intelligence émotionnelle car c’est la première chose à laquelle j’ai pensé en entendant parler de baisse de QI. Il ne mesure en effet qu’une certaine intelligence et aujourd’hui, la population vivant dans les sociétés dites modernes n’ont certainement pas le même train de vie qu’avant, ce qui ne veut pas dire que les gens sont plus bêtes, mais ils n’ont tout simplement plus/pas les mêmes priorités.
Aujourd’hui on résout peut être moins de problèmes de mathématiques, on lit moins de philosophie, mais on apprend plus à communiquer, à se développer personnellement, à exprimer notre créativité. Evidemment il y a une bonne partie de la population qui reste scotchée toute la journée devant les écrans à regarder des choses assez… Futiles ? Mais une grande partie crée, se bouge, voyage, communique. Nous sommes vraiment dans une époque de communication (parfois extrême) !
Merci pour vos articles, j’ai l’impression d’ailleurs d’augmenter mon QI en vous lisant 😉
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Un grand merci pour vos gentils commentaires! J’essaye d’être pointue dans mon domaine! C’est de l’artisanat!
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