
La psychologie environnementale étudie les interellations entre l’homme et son environnement physique et social dans ses dimensions spatio-temporelles. Les comportements, les cognitions, émotions de l’individu sont affectés par la manière dont il perçoit et agit sur son environnement. La psychologie environnementale est une branche de la psychologie, très peu connue et méconnue, qui pourrait être associée à la gérontologie, et aiderait à améliorer et à restaurer le bien-être psychologique des séniors occulté par une vision purement technocratique et médicale voire gériatrique constatée dans les Ehpad avec le Covid-19 (et ses variants).
Alors comment créer, selon les principes de la psychologie environnementale, des conditions environnementales et sociales favorisant la qualité de vie des séniors dépendants, et induisant leur bien-être psychologique? Sans maltraitance systémique ou systématique portant atteinte à leurs droits et à leur dignité?
Déjà, avant la pandémie et le lockdown des résidents d’Ehpad, j’avais évoqué sur ce blog l’étude de Jessica Finley publiée en 2015, véritable plaidoyer sur l’influence de la nature améliorant le bien-être physique et moral des séniors. Il y a des paysages manifestement thérapeutiques. C’est comme l’art, contempler un massif de fleurs ou un étang apaise les tensions psychologiques. Encore plus d’actualité aujourd’hui avec la pandémie! De plus de plus de voix s’élèvent contre le modèle des maisons de retraite à l’instar du gérontologue Peter Janssen. Ce sont souvent des lieux totalitaires comme le furent autrefois les hôpitaux psychiatriques étudiés par le sociologue Irvin Goffman.
La psychologie environnementale étudie avec l’architecture l’impact de l’environnement bâti sur la psyché. À tout âge! On sait que les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer s’adaptent mieux aux installations à petite échelle et à domicile (quand c’est possible). Une lumière du jour insuffisante est associée à une augmentation des symptômes dépressifs. Indirectement, l’environnement impacte la santé mentale. Alors, imaginez chez les personnes âgées!
En matière d’innovation architecturale favorisant la qualité de vie des séniors et d’un ancrage dans la verdure, j’ai flashé sur Jikko, une maison japonaise érigée en bois composée de cinq petites structures ressemblant à des cabanes, et nichée en pleine verdure, à deux pas du Mont Fuji. Il y aurait plus 70000 centenaires au Japon, un pays qui compte 1,5 millions d’habitants et avec une espérance de vie moyenne de 83,9 ans (la plus élevée de la planète).
Jikko, est décrit comme une maison forestière sorti tout droit d’un conte de fées. Une maison de Hobbit. « Les structures ressemblant à des cabanes ont été construites à différentes hauteurs pour rappeler les montagnes environnantes.» L’architecte japonais Issei Suma a conçu Jikka pour être « quelque chose d’aussi simple qu’une hutte primitive et quelque chose d’aussi saint qu’une chapelle ».
Jikka signifie littéralement en japonais « La maison des parents ». L’idée a été imaginée par deux sexagénaires (dont l’une est la mère de l’architecte Issei Suma) qui préparaient et livraient à Tokyo des repas à domicile aux personnes âgées. Elles ont constaté que la plupart de leurs aînés étaient isolées dans des petits appartements. Leur idée était de libérer les proches du poids d’être aidant pour une personne âgée. En plus du bâtiment d’habitation Jikka dispose d’un restaurant, d’un potager partagé et d’une piscine accessible aux fauteuils roulants car en spirale. Même s’il y a une vie collective, Les résidents ont leur propre logement; ils sont soignés et accompagnés sur place, et les bénévoles sont les bienvenus pour aider au bon fonctionnement de cette maison de retraite innovante. Le restaurant de Jikka est ouvert aux visiteurs à midi et pour le thé.
Le Japon est un peu loin pour déjeuner ou prendre une tasse de thé et admirer les lieux, mais Jikka pourrait inspirer des architectes français pour repenser l’environnement actuel de la prise en charge des séniors dépendants. Il y a en France et dans des pays occidentaux des initiatives environnementales de qualité qui pourraient être développées à grande échelle, et autres plutôt que que repenser le modèle de la maison de retraite ou l’Ehpad à l’infini. Car il est évident que ce modèle est obsolète ainsi que le souligne le gérontologue Peter Janssen dans un récent article du Courrier International ainsi qu’Adeline Herrera-Comas spécialiste des politiques du vieillissement.
Car les initiatives qui rentrent dans le cadre de la psychologie environnementale existent dans notre pays. L’une des alternatives à l’Ehpad est la « colocation entre personnes âgées dépendantes ». Comme à Grandfontaine dans le Doubs en Franche-Comté. Comment ça se passe?C’est une maison double avec quatorze locataires avec Patricia la maîtresse de maison qui gère six auxilaires de vie. Il y a une pièce centrale où les locataires prennent leur repas ensemble. Il y a un espace extérieur, et il arrive que les locataires déjeunent dehors quand il fait beau. Chaque locataire a sa chambre d’environ trente mètres carrés avec salle de bains qu’il peut meubler à sa guise. La seule contrainte est de déjeuner ensemble. L’esprit de cette colocation sous l’égide d’Âges et vie ressemble fortement aux pensions de famille du XIX siècle étaient courantes pour les jeunes travaillant dans les grandes villes et loins de leur famille.
La différence avec un Ehpad est que cette structure n’est pas médicalisée. Ni infirmier ni aide-soignant à demeure. Mais à la demande, les médecins et soignants se déplacent. Chaque résident a son bip d’appel. La maîtresse de maison et son adjointe habitent sur place et sont d’astreinte à tour de rôle jour et nuit.
L’une des meilleures approches de psychologie environnementale reste tout de même le maintien à domicile. C’est ce que fait la Suède depuis les années 50. Les chiffres sont éloquents. En 2015, 95% des personnes âgées vivaient à domicile et 4,2 % en établissement. « Le personal assistant » correspond à une aide à domicile qui peut accompagner une personne âgée chez le médecin et lui tenir compagnie. Une profession innovante. c’est une autre approche que la France. Selon Dominique Acker,« l’autonomie est considérée comme un tout et la personne est au centre.»
Une initiative originale de psychologie architecturale est celui des tiny-houses, très en vogue aux États-Unis avec ses villages de séniors . « De plus, les mini-maisons peuvent être facilement adaptées pour répondre aux besoins physiques et psychologiques des personnes âgées : perte d’autonomie, accès en fauteuil roulant, assistance visuelle ou vocale, etc.» est-il rapporté par le journaliste Laurent Tournelle.
Ces exemples d’initiatives en psychologie environnementale démontrent qu’il est possible d’innover dans la prise en charge des personnes âgées dépendantes en leur proposant une qualité de vie humaniste.