AU SUJET DU RAPPORT DE LA MIVILUDES (2021).

Depuis de nombreuses années, les dérives sectaires sont dans le champ de la santé et de la psychothérapie.

©NBT

Le dernier rapport de la MIVILUDES, s’étendant sur la période 2018/2020, m’a inspiré un ensemble de réflexions sur mon expérience passée dans le milieu associatif qui lui est lié et que j’ai côtoyé de nombreuses années. Certaines personnes avec lesquelles j’ai travaillé sont décédées mais l’héritage de leur engagement contre les dérives sectaires demeure profondément ancré en moi.

Mes études universitaires de psychologie clinique (3 °cycle) ne m’ont pas donné « la science infuse » sur la mécanique des sectes pour reprendre le titre du livre du psychiatre Jean-Marie Abgrall (à lire en lecture de fond pour tous ceux qui ne le connaissent pas). S’occuper des dérives sectaires et notamment de celles des psychothérapies est une école de la modestie car il est facile de verser en tant que psychologue dans la pseudo-science et les thérapies qui peuvent aggraver les maux de la psyché! Être titulaire d’un diplôme ne garantit pas l’éthique ni un niveau acceptable de connaissances scientifiques mises à jour régulièrement pour éviter les dérapages! Le « primum non nocere » emprunté au serment d’Hippocrate devrait être également le mantra de tout psychologue en charge d’une patientèle!

Un petit historique sur la MIVILUDES s’impose même ce qui suit enfonce des portes ouvertes! Il et intéressant de voir comment l’idée de dénoncer les dérives sectaires s’est imposée. Dans les années 1970, les dérives sectaires étaient des phénomènes marginaux, attribués avec une certaine bienveillance à la contre-culture et au libre choix de sa spiritualité. C’était la fameuse vague du New-Age. Ce sont des drames familiaux, liés aux sectes, qui ont suscité le développement du milieu associatif. En 1974, l’ADF (UNADFI depuis 1982) fut créée par Guy et Claire Champollion, suite à l’embrigadement de leur fils de 18 ans auprès de la secte MOON. Roger Ikor, lauréat du prix Goncourt 1955, dont le fils s’était suicidé sous l’emprise du zen macrobiotique en 1978 fonda en 1981 le CCMM (le Centre contre les Manipulations Mentales). Devant l’ampleur du phénomène, les associations souhaitaient un organisme dévolu aux sectes. Il fut créé en 1998 la MILS (La Mission interministérielle de lutte contre les sectes). Il semblerait que ce ne soit pas une création originale mais un concept remis au goût du jour pour les besoins de la cause anti-sectaire, sorti d’un carton des archives administratives des années 40. J’ai eu deux témoignages fiables à ce sujet, mais comme Google et les autres moteurs de recherche restent muets comme des carpes, impossible de confirmer ou d’infirmer ces allégations.

Soulignons un tournant majeur contre les dérives sectaires avec la promulgation de la loi du 12 juin 2001 dite la loi About-Picard tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l’homme et aux libertés. Cette loi se centre sur l’emprise mentale au coeur des dérives sectaires.

En 2002, la MILS est devenue MIVILUDES attachée au cabinet de premier ministre. Et par décret du 15 juillet 2020, la MIVILUDES a été rattachée au Ministère de l’intérieur. À l’heure d’aujourd’hui, il est impossible de savoir si ce rattachement sera salvateur pour réduire les risques sectaires. Est-ce que cela va améliorer la prise en charge des victimes et faciliter des décisions judiciaires pour dénoncer un mouvement sectaire? Est-ce uniquement un transfert d’un service à un autre? Ou-est-ce encore une complication administrative type mille-feuilles dont la France a le secret? L’avenir nous le dira mais je suis sceptique.

Le dernier rapport de la MIVILUDES liste les partenariats avec des ordres professionnels dont la CNOCD (Conseil national de l’ordre des dentistes), le CNOM (Conseil national de l’ordre des médecins), le CNMOK (conseil national de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes), le CNOP (Conseil national de l’ordre des pharmaciens), le CNOSF ( conseil national de l’ordre des sages-femmes). Ces partenariats sont appréciables mais il est fort regrettable que les psychologues n’aient pas été cités. Lors du remaniement du titre de psychothérapeute en 2012, des fédérations de psychologues comme la FFPP (Fédération Française des Psychologues et de Psychologie) avaient été consultées. Et certains psychologues, en relation avec le milieu associatif, ont fait et font encore du bénévolat en rencontrant les familles de victimes ou les victimes. Coucou la MIVILUDES, pensez à cette profession complémentaire à toutes celles qui figurent dans votre rapport!

Deux tableaux publiés dans ce dernier rapport montrent les domaines touchés par les dérives sectaires. Depuis de nombreuses années, elles sont dans le champ de la santé et de la psychothérapie et il est fort salvateur que des médecins aient pris conscience de l’ampleur du phénomène; ce qui n’était pas le cas il y une dizaine d’années. Certains médecins sont fort actifs sur les réseaux sociaux au sujet du complotisme et de Qanon qui se sont accentués avec la pandémie et des médecines alternatives.

Certaines thématiques listées par la MIVILUDES ne datent pas d’hier, et elles se sont aggravées. En 2006, on parlait du reiki, des enfants indigo de la kinésiologie, des stages de jeûne et du néochamanisme (dans lequel j’ai été impliquée directement avec l’ayahuasca) dans le rapport de 2006. Le rapport évoque parmi ses sujets d’inquiétude le Chindaï et le coaching. J’avais déjà noté dans un article d’Exmed, en 2007, les dérives de la psychologie positive avec la notion de « coach de vie ». Pour dire que ça ne date pas d’hier et que le mal s’est répandu comme une tâche d’huile.

Il est difficile de sortir d’un groupe sectaire ou de se défaire de l’emprise mentale! La meilleure action reste la prévention, et dans ce domaine, il faut citer le site Prevent Sectes qui fut une mine d’informations en son temps. Il fut animé par Mathieu Cossu à partir de 1998. Il a été fait Chevalier de la légion d’honneur le 19 janvier 2007 pour son engagement sans égal envers les victimes. À la suite d’un procès (j’étais présente) dont les sectes ont le secret pour contrer ceux qui les dénoncent, Mathieu Cossu a arrêté son activité de webmaster. Le lien vers le site a disparu quand j’ai écrit ce post,et par hasard en faisant d’autres recherches pour un autre sujet, j’ai pu récupérer sa nouvelle adresse: https://prevensectes.me/. C’est une base de données appréciable, et on voit que les mêmes charlatans qui sévissent aujourd’hui étaient déjà cités dans les années 2000! C’est le travail d’un engagement de plusieurs années qui reste et qui est fort utile aux nouveaux bénévoles qui ont pris le relais. Il reste toutefois des difficultés à accéder à l’intégralité du site au prétexte du droit à l’oubli! Je veux bien mais faut-il tout recommencer tout à zéro? Par contre, de s’étonner que restent encore les critiques ad hominem qui descendent en flamme le webmaster retraité. Repetita bis, coucou la MIVILUDES!

Malgré le fait qu’il ne soit plus mis à jour, si vous voulez vous documenter sur les dérives de la psychothérapie, allez sur le site de l’association Psychothérapie Vigilance. Il reste toujours une bonne base d’articles dénonçant les dérives des « dérapeutes » de la psychothérapie.

Au fil des ans, le rapport de la MIVILUDES dépasse le stade de l’artisanat de ses débuts que j’ai connu, et j’ai parfois l’impression qu’on a effacé un travail collectif passé sans linéarité avec le présent. Juste une impression personnelle!

L’expansion des réseaux sociaux permet de diffuser des informations sur les dérives sectaires, et c’est un point extrêmement positif. L’un des comptes twitter le plus actif et pertinent est celui de Grégoire Perra, professeur de philosophie et lanceur d’alerte sur les écoles Steiner-Waldorf et l’Anthroposophie. Avec Élisabeth Feytit, il a écrit le livre « Une vie en anthroposophie, la face cachée des écoles Steiner-Waldorf. Grégoire Perra tient également un blog où l’on peut trouver des informations sur les dérives sectaires de l’anthroposophie.

En conclusion, concernant la nature des sectes, je cite le regretté père Jacques Trouslard que j’ai souvent rencontré pour mes recherches: Exactement. Je crois que les sectes se ressemblent comme des sœurs jumelles, des fausses jumelles, dizygotes ou bivitellines, si vous le désirez. En ce sens qu’entre elles, il n’y a pas de différence de nature, mais seulement une différence de degré. Pourquoi ? Parce que ce qui caractérise une secte c’est « sa nature coercitive », à savoir la manipulation mentale qui porte gravement atteinte à la dignité et à la liberté de la personne humaine. Bien entendu, certaines sectes peuvent être plus dangereuses les unes que les autres. Mais je me méfie de la classification de secte absolue qui risquerait de faire oublier ou de négliger les petites sectes, dangereuses elles aussi, quoiqu’à un degré différent .

Les dérives sectaires, un vrai problème qui va de pair avec l’inculture scientifique. « Malheureusement, La désinformation prospère avec cette inculture scientifique au fil des années. Déjà, lors de son audition au sénat en 2013 sur les dérives thérapeutiques et les dérives sectaires, j’avais relevé dans un média mainstream ces propos du professeur Loïc Capron : « il existe une forme de laisser-aller intellectuel qui ne résiste plus aux assauts de la charlatanerie.» Nous sommes en 2021 et c’est toujours pertinent!»

That’s all folks!

Bande Annonce sur Wild Wild Country, un documentaire fabuleux sur Osho. À voir Sur Netflix!

https://fr.wikipedia.org/wiki/Lutte_antisectes_en_France

Auteur : Nicole Bétrencourt

Psychologue clinicienne, psychosociologue

2 réflexions sur « AU SUJET DU RAPPORT DE LA MIVILUDES (2021). »

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