ET SI NOUS PARLIONS DES ÉPIDÉMIES PSYCHOLOGIQUES?

À partir des années 1990, les États-Unis vont devenir le foyer privilégié de maladies psychogènes et de ces mutations de l’hystérie, amplifiées par les médias modernes et les peurs millénaristes de la fin du XX siècle.

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©Hulya Özdemir
De nombreux débats sur la planète virtuelle -les réseaux sociaux, les forums et les médias mainstream- obéissent à des lois qui favorisent les épidémies psychologiques qu’on peut aussi nommer hystérie collective. Ces épidémies psychologiques organisent le fonctionnement de la psyché sur un mode manichéen où tout est soit blanc ou bien tout noir, et ainsi favorise un comportement grégaire. La demie-mesure avec des arguments nuancés disparaît au profit de généralités ou de sophismes.
Les épidémies mentales, la contagion mentale ou les folies collectives (on peut les appeler comme on veut) ont toujours existé. Le médecin et psychologue Georges Dumas avait déjà décrypté, en son temps, le phénomène de la contagion mentale et des épidémies psychologiques à travers les émotions. Écrit en 1911, sa définition est toujours actuelle même si le vocable est différent, changeant ainsi la forme sans changer celui du fond qui correspond aux mêmes mécanismes. Ainsi, sous l’angle des sciences humaines -psychologie, sociologie voire de la psychiatrie-Georges Dumas définit  la contagion mentale comme un mécanisme par lequel les états moteurs, affectifs, représentatifs se propagent d’un individu à un autre et ils ne diffèrent d’opinion que lorsqu’il s’agit de caractériser avec précision ce mécanisme.

Et pourquoi ne pas inclure dans ces épidémies psychologiques et leur contagion mentale  la psychologie des foules avec leur unité mentale spécifique? L’ouvrage de Gustave Lebon, « La Psychologie des foules » (datant de 1895) reste encore la meilleure grille d’analyse. Les caractères spéciaux  de la foule sont qu’elle est toujours dominée par l’inconscient, l’occultation de la personnalité individuelle, la disparition de la vie cérébrale au profit de l’émotionnel et l’abaissement de l’intelligence. La foule ainsi constituée, la contagion va s’effectuer par la suggestibilité.

Après avoir cité ces deux auteurs incontournables, où en sommes nous aujourd’hui? Il y a aujourd’hui l’apport de Freud dans ces folies collectives. Des auteurs contemporains ont formulé l’hypothèse que certains troubles psychiatriques ou psychosomatiques seraient des formes contemporaines de l’hystérie de conversion décrite par Charcot et Freud à la fin du XIX siècle. Ils fonctionnent sur le mode opératoire d’une épidémie virale. Ces épidémies psychologiques sont liées aux mouvements sociaux et leur impact collectif est favorisé par les médias, le net et les réseaux sociaux.

En 1977, le ton fut donné par la féministe et critique littéraire américaine Elaine Showalter qui élabore finement cette notion d’épidémie psychologique avec le néologisme « d’hystoire ». Il peut faire sursauter les puristes mais il est pertinent à bien d’égards. « Hystoire » comme on s’en doute est la contraction du mot histoire et de celui d’hystérie. Le livre où elle développe cette thèse est  « Hystories: Epidemics Hysterical and Modern medias » ( livre non traduit en français), et il figure en bonne place dans un article du journal The Lancet, une revue de bonne facture, publié le 30 mai 1998. Cette grille contentd’analyse est pertinente sur de nombreux points, mais vivement critiquée par les associations de patients et de médecins pour ce néologisme et cette explication audacieuse sur certaines de ces épidémies psychologiques. En fait, Elaine Showalter est une féministe de la première heure, celle où l’on parle d’émancipation féminine et non d’un rejet de tout ce qui est masculin et d’un patriarcat forcené où l’homme a oppressé la femme pendant des millénaires. La critique littéraire Elaine Showalter attribue la propagation de ces nouvelles épidémies psychologiques à  la troisième vague des féministes, celle que l’on appelle le féminisme victimaire. Le néo-féminisme.

Comment se manifestent ces nouvelles formes d’hystéries individuelles qui se propagent comme des épidémies infectieuses? Elaine Showalter étaye son concept « d’hystoire » à l’aide d’anecdotes:

-Dans le Midwest, une infirmière, atteinte du syndrome de fatigue chronique, se suicide avec l’aide du Dr Jack Kevorkian, encore appelé Dr Death, pionnier de l’euthanasie  qui aidait à mourir les cas médicaux les plus graves.

-Dans le Yorkshire, un jeune vétéran atteint du syndrome de la guerre du Golf voit sa carrière et son mariage détruits.

-Et le cas de Ramona, cadre dans une grande entreprise licencié de son entreprise car il est accusé d’inceste par sa fille Holly, victime de faux souvenirs après une thérapie sous Amythal (sérum de vérité). Le tribunal accordera à M. Ramona des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi. Cette histoire est évoquée dans mon post L’affaire Ramona, une sombre histoire de sérum de vérité.

-Dans le Massachusetts, un professeur de Harvard, lauréat du prix Pulitzer, prétend que les Petits Gris (des aliens) en visitant les États-Unis enlèvent et se livrent à des expérimentations sexuelles sur des milliers d’Américains.

-Dans l’Oklahoma, un militaire traduit en cour martiale, Timothy McVeigh raconte à ses avocats que le gouvernement , lui a implanté une puce dans le corps durant  la guerre du Golfe pour le contrôler.
-Dans le Montana, des adeptes de la théorie du complot prétendent que le gouvernement fédéral, armé de bombes et d’hélicoptères noirs, modifient chimiquement le sang des citoyens des États-Unis pour créer un nouvel ordre mondial.

Pour elle, ces cas disparates illustrent ces hystéries individuelles qui produisent des épidémies psychologiques. En prônant cette thèse du grand retour de l’hystérie, Elaine Showalter prend le contre-pied des spécialistes qui parlaient de sa disparition.

Certains médecins ont affirmé que la médecine moderne identifiait l’hystérie comme une maladie organique méconnue, ont eu raison d’elle. Des historiens et des sociologues l’ont reléguée comme un trouble  de l’ère victorienne, et qui grâce à l’émancipation féminine a diminué. Les psychiatres des années 70 expliquèrent que les hystéries de conversion n’étaient en somme que des expressions de l’anxiété, et que le développement de la psychanalyse avait éradiqué ces formes extrêmes. Selon l’analyste britannique Harold Merskey, les hystéries de conversion ne se produisent plus que dans les zones non psychanalytiques (Afrique du Sud, Corée du Sud, Sri Lanka ou Nigeria). Rappelons que nous sommes en 1978, et l’ethnopsychiatrie n’était pas encore très développée pour expliquer des manifestations culturelles perçues comme des troubles de la psyché pour des Occidentaux mais tolérées dans d’autres sociétés.

Elaine Sholwater ne fait que reprendre les théories freudiennes psychanalytiques, fort peu appréciées outre Atlantique, et même si l’auteure de ce post n’est pas branchée psychanalyse, il fat admettre une certaine pertinence dans le concept qui explique des troubles de la psyché qui se retrouvent répertoriées dans le DSM au fur et à mesure de ses révisions.  L’hystérie n’a pas disparu mais a simplement emprunté d’autres formes que celle du temps de Freud. À partir des années 1990, les États-Unis vont devenir le foyer privilégié de maladies psychogènes, et de ces mutations de l’hystérie, amplifiées par les médias modernes et les peurs millénaristes de la fin du XX siècle. Les hystériques modernes trouvent toujours des sources externes à leurs problèmes psychiques: un virus, une atteinte à la pudeur qui se traduit par un abus, une guerre chimique, un complot satanique ou encore l’infiltration étrangère. Un siècle après Freud, de nombreuses personnes refusent toujours des explications psychologiques à leurs symptômes. La cause serait extérieure et non névrotique.

Les psychothérapies new-age, le fondamentalisme religieux, la paranoïa politique forment, entre autres, le creuset de ces nouvelles hystéries virulentes et contagieuses en ce siècle. On pourrait y inclure la sensibilité électromagnétique. La panique atteint des proportions épidémiques, et  l’hystérie se manifestant par la suprématie de la pensée magique cherche des boucs émissaires et des ennemis sous les traits de médecins antipathiques, de pères incestueux, de commerce avec  le diable, d’extraterrestres et de complots gouvernementaux. Les hystoires sont plus contagieuses que par le passé avec la technologie high-tech qui diffuse à flots continus toutes sortes d’informations (des vraies et des fakenews). Les bouleversements écologiques, l’urbanisation intense, les voyages low-cost, ajoutés à l’interaction humaine favorisent ces mutations de l’hystérie. Elles se répandent par des histoires qui circulent et s’auto-entretiennent avec les livres de développement personnel, des articles de journaux, des talk-shows télévisés, des séries cultes, des films, l’Internet et même la critique littéraire avide de populisme. Ces hystéries se multiplient rapidement et de façon incontrôlée à travers les médias populaires, les e –mail et les réseaux sociaux.

Selon le point de vue d’Elaine Showalter, l’hystérie n’est qu’un symptôme culturel de l’anxiété et du stress. Les conflits qui produisent les symptômes hystériques sont authentiques et universels. Les  hystériques ne sont pas des tricheur(se)s, et les thérapeutes qui diagnostiquent les hystoires  sont (la plupart du temps) sincères dans leur diagnostic.Et il y a dans tous les cas une réelle souffrance psychologique à prendre en charge. Les épidémies psychologiques sont construites sur la souffrance des patients, les soins pseudo-scientifiques de la psyché, les membres du clergé, les parents dévoués, la police, le féminisme victimaire et le communautarisme.

Si Elaine Showalter dénonce les techniques de thérapies à base de drogues ou pseudo-scientifiques, supposées faire remémorer des souvenirs oubliés depuis des lustres, les livres de développement personnel, elle croit au rôle essentiel du professionnel  de la psychothérapie et de la psychopharmacologie pour aider les gens dans la vie quotidienne à lutter contre ces épidémies d’hystéries.
Est-il possible de les arrêter ces épidémies psychologiques? Difficile à l’ère du virtuel mais on peut déjà les endiguer avec de la persévérance pour contrer  cette contagion mentale entretenue par la presse, les rumeurs, les peurs collectives te les théories du complot. Accepter l’interdépendance entre l’esprit et le corps, et reconnaître les syndromes hystériques comme une psychopathologie universelle de la vie quotidienne avant de démanteler les mythologies stigmatisant. Il faut défendre certaines idées de Freud compatibles avec les avancées de la science, et rétablir la confiance dans la psychothérapie avec des professionnels aguerris et avec une bonne formation scientifique de base.
Il faut dénoncer la nocivité des talk-shows TV et des livres de développement personnel qui sont parole d’évangile pour le grand public, et notamment les femmes qui n’ont souvent pas accès à d’autres sources d’information. Autrement dit, éduquer à l’esprit critique.

Le livre  développant la notion d’hystoire a provoqué la colère de certains professionnels de la santé et des patients qui souffrent des troubles évoqués par Elaine Showalter. La controverse a essentiellement porté sur le SFC (syndrome de fatigue physique).  On a reproché à Elaine de ne pas être médecin et de ne pas être assez scientifique. Mais elle n’a peut-être pas tout à fait tort! Le SFC est encore un mystère pour la science! La cause de cette fatigue extrême n’est pas connue. Ainsi que le fait remarquer le Pr de Korwin«Cela est très déroutant car, malgré de très nombreux travaux réalisés, sa physiopathologie n’est toujours pas élucidée» . Les médecins n’ont pas de solution et la prise en charge repose sur un soutien  psychologique.

Concernant le syndrome de la guerre du Golfe, les scientifiques soulignent le fait qu’il n’est pas forcément lié au stress psychologique du combat, mais peut-être aussi à l’exposition à certains agents chimiques sur le théâtre des opérations, et qui  pourrait être corrélé à l’augmentation des cancers du cerveau. D’autres troubles évoqués par Elaine Showalter comme celui du syndrome des faux souvenirs s’est propagé en France par le biais de pseudo-thérapies. Grâce aux avancées neuroscientifiques sur le fonctionnement de la mémoire, il est plus facile aujourd’hui, de dénoncer le côté pseudo-scientifique de ces techniques douteuses qui ont fait le lit des faux souvenirs. Si son néologisme d’hystoire est controversé, l’analyse d’Elaine Showalter sur les nouvelles formes des épidémies psychologiques reste pertinente sur de nombreux points.

Sources:

LES PERSONNALITÉS MULTIPLES FONT LEUR CINÉMA

Les trois visages d’Eve évoque le sulfureux trouble mental de la Personnalités Multiple qui va défrayer la chronique et favoriser des pratiques douteuses de psychothérapie.

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En 1957, le film les Trois visages d’Eve remporte plusieurs oscars, et l’héroïne du film Eve est interprétée par Jane Woodward. Ce film évoque par anticipation le sulfureux trouble mental de la Personnalité Multiple répertorié qui sera répertorié dans le DSM III en 1980. Le DSM I et II de 1952 et 1968 n’en faisaient pas mention.

Le synopsis du film les Trois visages d’Eve s’inspire de la véritable histoire de Chris Costner-Sizemore, une femme souffrant du trouble de la Personnalité multiples. Son cas est relaté dans le livre Les Trois Visages d’Eve écrit par son psychiatre H.Thigpen qui vendit ses droits à Hollywood. Alors revenons à ce film inspiré d’une histoire vraie. Mère et épouse attentive, Eve, femme est une timide et effacée, et elle souffre de maux de tête et de trous de mémoire gênants. Elle est totalement amnésique de ses faits et gestes pendant plusieurs heures voire plusieurs jours. Elle consulte un psychiatre renommé, le Dr Luther, qui pratique l’hypnose. Lors d’une séance, le Dr Luther découvre en elle une autre personnalité, avec laquelle il dialogue. C’est Eve l’obscure qui ne songe qu’à s’amuser. Elle sait tout des faits et gestes d’Eve la discrète alors que cette dernière ignore tout de ce  peut faire son double obscur. Le Dr Luther veut comprendre les deux facettes de sa patiente et il  les prend en thérapie alternativement toutes les deux.

Excédé par les multiples facettes de la personnalité d’Eve, son  mari la quitte en leur laissant leur fille Bonnie. Le Dr Luther fait interner Eve à la suite d’une tentative de meurtre par son double obscur sur sa fille Bonnie. Le médecin est convaincu que la double personnalité de sa patiente n’est pas son véritable Soi et que son trouble remonte à l’enfance après un trauma dont elle serait amnésique. Elle doit absolument s’en souvenir pour guérir. Sous hypnose, elle se souvient qu’on l’avait obligée à embrasser dans son cercueil sa grand-mère morte lorsqu’elle avait six ans. Le chagrin aidant ajouté à la terreur d’être confrontée physiquement à la mort, avait amené Eve à se fractionner en deux personnalités distinctes.

Ô surprise, lors des séances d’hypnose, va émerger Jane, une nouvelle personnalité nettement plus posée et équilibrée. Jane ne comprend rien à la situation mais peu à peu elle arrive  à réunifier sa mémoire en se souvenant des faits et gestes des deux visages d’Eve incluant cette nouvelle facette d’elle. Le Dr Luther continue de dialoguer avec les trois visages de sa patiente et il s’aperçoit, au cours d’une séance, qu’Eve la discrète et Eve la rebelle ont cessé d’exister. Les trois personnalités sont enfin unifiées en Jane. Guérie, Jane va se remarier avec Earl, un homme qu’elle a rencontré lorsqu’elle était Jane et retrouve sa fille Bonnie.

Les trois visages d’Eve évoque le sulfureux trouble mental de la Personnalités Multiple qui va défrayer la chronique et favoriser des pratiques douteuses de psychothérapie. Mais quelles sont les différences entre l’héroïne du film Eve et Chris Costner-Sizemore?

Chris avait développé des personnalités multiples après avoir été témoin de deux accidents en l’espace de trois mois, lorsqu’elle était enfant. D’abord sa mère gravement blessé et un homme scié dans une entreprise de bois. Selon les psychiatres qui l’ont suivie, Chris n’aurait pas seulement eu trois identités mais une bonne vingtaine. Ses personnalités se présentaient par groupe de trois lorsque la personnalité consciente de Chris s’effaçait. Le livre les Trois visages d’Eve a été écrit son psychiatre H.Thigpen, avec peu de contribution de Chris., et n’a concerné que deux de ses personnalités.

Par la suite, Chris a écrit deux livres non traduits en Français  respectivement I’m Eve et Mind of My Own, The Woman Who Was Known As Eve Tells the Story  of Her Triumph Over Multiple Personality Disorder qui fourmillent de détails que n’ont pas donné ses md15783318666psychiatres. Pour elle, elle ne s’est pas sentie dissociée par ses personnalités contrairement à ce qu’ils pensaient mais a toujours affirmé que ces personnalités existaient à l’intérieur d’elle. Après avoir eu ses personnalités réunifiées avec ses différents psychiatres, elle a affirmé qu’à chaque étape de sa vie a correspondu un alter ego. Selon elle, c’était Eve White qui s’était marié avec son premier mari et qui était la mère de la fille née de leur union, et pas celle qui avait réunifié sa personnalité. À la sortie du livre Les Trois Visages d’Eve et ensuite le livre, Chris Costner-Sizemore a très mal vécu cet engouement médiatique autour de son cas, et elle a réussi après une procédure judiciaire à faire annuler le contrat qu’avait passé le psychiatre Thigpen avec la 20th Century Fox.

À partir des années des années 70,  le trouble de la personnalité multiple va devenir une maladie mentale populaire, et pour de nombreux thérapeutes un créneau de thérapie par hypnose ou sérum de vérité (Amytal). Il se caractérise par la présence de deux personnalités (voire plus) nommées les alter ego qui tour à tour prennent le contrôle de la personne appelée hôte. Les alter ego se conduisent à l’opposé de la personnalité et ils émergent curieusement toujours sous hypnose ou sous sérum de vérité (Amytal). C’est à dire lorsque la personne est en état modifié de conscience. L’identité des alter ego était parfois surprenante: changement de sexe, tortues Ninja, vies antérieures, cochons, tigres, singes, etc. Ce syndrome s’était tellement banalisé que lors des procès d’assises, les avocats et les jurés débattaient de savoir si l’accusé n’avait pas tué sous l’emprise d’un alter. Ce qui permettait de le déclarer irresponsable pénalement et de l’interner.

L’origine du trouble de la Personnalités Multiple va être au fil du temps imputée à un trauma subi dans l’enfance, et corrélé à l’abus sexuel (inceste, pédophilie). Il sera  intégré au modèle post-traumatique de l’abus sexuel chez l’enfant, générant des mauvaises pratiques thérapeutiques et des procès pour abus sexuels entraînant en cascade des erreurs judiciaires.

La popularité des multiples personnalités véhiculée par les livres, le cinéma et les médias va faire exploser le nombre de cas chez les femmes.  Les chiffres qui suivent sont extraits du livre Science and Pseudo Science in Clinical Pyschology: avant 1960, on en recensait deux cas par décennie. 14 cas de 1944 à 1965, en 1986, 6000 et en 1998 40000 jusqu’à ce que la communauté scientifique remplace l’appellation du trouble de la Personnalité Multiples par celle du Trouble Dissociatif de l’Identité. Freud était plus que sceptique sur l’existence des personnalités multiples, et il pensait que c’était induit par les suggestions du thérapeute, et n’oublions pas qu’il avait été formé à l’école de Charcot où l’on soignait l’hystérie.

Le psychologue Nicholas Spanos, en 1994, décrypte le Trouble de la Personnalité Multiples comme étant le produit de constructions sociales établies par le corpus médical, légitimées et entretenues par l’interaction sociale entre les patients conditionnés à faire surgir des alter ego, le grand public et les médias. Cet élément socio-culturel est de la même nature que les rites de possession ou la sorcellerie au Moyen-Age. N. Spanos dénonce cette usine à gaz à fabriquer des faux souvenirs, des entités à gogo et la thèse des souvenirs refoulés sous le concept pseudo-scientifique de l’amnésie dissociative (battue en brèche aujourd’hui par les dernières découvertes des neurosciences).

La sociologue et critique féministe américaine Elaine Showwalter place les personnalités multiples dans le groupe des syndromes ayant un fondement hystérique à l’instar du syndrome de la guerre du golf, des rites sataniques et du syndrome des faux souvenirs. Elle a créé, à cet effet, le néologisme d’hystoire qui est la contraction du mot histoire et de celui  d’hystérie. Ces mini-épidémies sont une forme contemporaine de l’hystérie de conversion décrite par Charcot et Freud à la fin du XIX siècle.

Chris Costner-Sizemore est l’une des patientes les plus célèbres diagnostiquées du Trouble dissociatif de l’identité, et son cas figure parmi  les dix les plus fascinants de l’histoire de la psychologie dont ceux de Phineas Gage et le garçon sauvage de l’Aveyron.

 Notes: Après bien des controverses et des dérives de la psychothérapie, le Trouble de la Personnalité Multiple va être remplacé par celui du Trouble Dissociatif de l’Identité (TDI) dans le DSM IV. L’une des particularités du DID est l’amnésie dissociative qui se décrit par des trous de mémoire portant sur des tranches de vie allant de quelques heures à plusieurs jours.Cette amnésie concerne uniquement les faits et gestes des alter ego. Elle est définie comme asymétrique parce que l’hôte n’a pas conscience des faits et gestes de ses alter ego et pas le contraire.  Il y a toute une controverse scientifique sur ce sujet qui égare le grand public sur les conséquences d’un trauma psychologique qui altère la mémoire.

Le film les Trois Visages d’Eve

AUTOUR DU FILM « SANS LIMITES »: LE DOPAGE CÉRÉBRAL!

La découverte de cette molécule de fiction, le NZT, repose sur le mythe pseudo-scientifique où nous n’utiliserions que 10 % de notre cerveau.

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Le dopage cognitif est en plein essor. Connaissez vous ces molécules censées doper les fonctions cérébrales, les smart-drugs encore appelées nootropes ou bien encore nootropiques?
Les smart-drugs »sont des médicaments qui améliorent les capacités cognitives et dont  la réputation  est de doper les capacités cérébrales. Aux fins de stimulation cérébrale, ces nootropiques sont souvent des médicaments détournés de leur usage. Beaucoup de  lycéens américains développent une addiction à la Ritaline, des traders de Wall Street se gavent d’amphétanimes.

Ces molécules licites,  aux  indications précises, comme pour les troubles du sommeil (narcolepsie, hypersomnie) ne sont délivrées que sur prescription médicale. Or, sur le web certains sites peu scrupuleux proposent à la vente ces produits pour censés stimuler l’intelligence. Leur marketing les détourne de leur principale indication et leur utilisation relève du mésusage médicamenteux avec le risque d’effets secondaires. Et pourtant le nombre de leurs utilisateurs ne cesse de croître. Les smart-drugs inspirent les auteurs de film et de série TV.

Alors pourquoi ne pas parler de ces nootropiques à travers le film « Sans Limites » -sorti en 2011 et interprété par Bradley Cooper et Robert De Niro- ?

Eddie Mora, le personnage principal du film (joué par le sexy Bradley Cooper), est un écrivain paralysé par l’angoisse de la page blanche. Lorsque sa petite amie le quitte, il sombre dans la dépression. Son ex beau-frère, ancien dealer, va lui faire découvrir un produit révolutionnaire de l’industrie pharmaceutique, le NZT-48, qui permet d’exploiter le potentiel du cerveau au maximum. Cette pilule jamais été testée. Rappelons que le NZT-48, est une smart-drug de fiction pour ceux qui seraient tentés de croire que le NZT existe réellement. Grâce à cette drogue, la mémoire d’Eddie est surhumaine. Il peut désormais se souvenir de tout ce qu’il a lu, vu ou entendu. Il devient capable d’apprendre n’importe quelle langue en une journée, de résoudre des équations complexes et ainsi fasciner tout ceux qu’il rencontre.

Mais toutes ces merveilleuses capacités ne sont possibles que s’il est sous l’influence du NZT, et une seule pilule a suffi à le rendre accro. Notre héros va écrire son livre en trois jours et enthousiasmer son éditrice. Il va ajouter d’autres cordes à son arc en devenant l’un des plus grands traders de Wall Street. Malheureusement, cette montée en puissance des facultés cognitives de notre héros s’accompagne des terribles effets secondaires du NZT qui sont ceux du sevrage d’une drogue puissante, et notre héros apprendra que tous ceux qui ont pris cette pilule sont décédés d’overdose.

Le film « Sans Limites » a le mérite de montrer l’envers du décor avec ce héros qui sombre dans les affres de la dépendance. Cette fiction développe avec pertinence ce que sont les smart-drugs, ces psychostimulants capables d’amplifier les capacités cognitives. Mais est ce vraiment possible et est-ce  sans danger ?

Voyons quelles sont les ressemblances entre le NZT du film et certaines « vraies » molécules  qui sont des psychostimulants. Manifestement, il y a de fortes ressemblances du NZT avec le LSD, la Ritaline et le Modafinil.

La découverte de cette molécule de fiction, le NZT, repose sur le mythe pseudo scientifique où nous n’utiliserions que 10 % de notre cerveau. Et que prendre le NZT permettrait de faire fonctionner son cerveau à 100 % de son potentiel. Et certains des effets du NZT sont proches des psychédéliques comme l’Ectasy, voire le LSD comme cette abolition du temps et de l’espace où les couleurs sont plus vives et les contours des objets plus précis.

Rappelons que malgré ces aspects séduisants, dits récréatifs se cache la dure réalité des effets secondaires. Toutes les drogues psychédéliques sont prohibées dans tous les pays au vu de leurs redoutables effets secondaires au long terme. Comme des suicides au long terme dus à un effet flash-back du produit des années après son absorption.

Les smart-drugs comme le NZT-48 agissent directement sur les neurones, en augmentant la quantité de monoamines au niveau des connexions synaptiques, en particulier la dopamine et la noradrénaline. Il en résulte en effet réel sur l’activité cérébrale: accélération de la perception, surexcitation, amélioration de la vigilance, de la clairvoyance et des performances cognitives (amélioration de la mémoire). Ils augmentent la concentration et l’attention.

Il y a toutefois un revers de la médaille qui doit attirer l’attention de celui qui serait tenté d’en prendre.L’une des smart-drugs le plus connu est le Methylphénidate (Ritaline) prescrit dans l’hyperactivité de l’enfant et la narcolepsie. Son mécanisme d’action est décrit comme celui de la cocaïne. Compte tenu de l’importance des mésusages de cette molécule, le Méthylphénidate fait partie de la liste des médicaments surveillés de près par l’Afssaps. Ses effets secondaires sont ceux de la Cocaïne. Détourné de sa prescription initiale, en 10 ans, la Ritaline aurait tué aux Etats-Unis plus de 186 personnes (les chiffres doivent être sous estimés).

Pour continuer sur l’aspect nootrope, le NZT ressemble également au Modafinil (Provigil, Modiadal).  Et l’effet du Modafinil ressemble à celui des amphétamines. C’est un stimulant utilisé dans le traitement la narcolepsie et de l’hypersomnie idiopathique. Il permet à quelqu’un qui souffre de fatigue inhabituelle de rester éveillé sans effet secondaire et de rester performant intellectuellement. Le Modafinil bloque la recapture de la noradrenaline; celle-ci, suivant un processus complexe agit sur les neurones, provoquant le sommeil des noyaux ventrolatéral préoptique. Il est présenté sur de nombreux sites de vulgarisations comme une molécule agissant comme la cocaïne sans ses effets secondaires et sans addiction.

Le Modafinil serait pris par un quart des étudiants britanniques, et en France, il est en passe de supplanter le Guronson (caféine pharmaceutique) chez les étudiants.Le Modafinil, outre son usage dans les troubles du déficit de l’attention serait utilisé par certains médecins comme traitement d’appoint de la baisse des facultés cérébrales pouvant faire suite une chimiothérapie, comme aide au sevrage de l’addiction la cocaïne. Toujours sur prescription médicale et sans le mésusage de booster des facultés intellectuelles.

Le Modafinil, est-il vraiment sans danger? Le Modafinil a été développé en France dans les années 70. Cette molécule aurait été utilisée par les soldats français lors de la guerre du Golfe il est par les soldats américains en Irak et en Afghanistan, dans leur permettre de rester opérationnel pendant 35 heures sans dormir. Même si les indications du Modafinil sont assez larges, l’EMA (l’Agence Européenne des Médicaments) recommande désormais son usage dans la narcolepsie. Il est parfois détourné avec la bénédiction de la FDA par les personnes ayant un emploi avec des horaires décalés (pompiers, personnel d’hôpital, etc), il peut être un produit de dopage pour des sportifs de haut niveau.

Au niveau de l’amélioration des performances cognitives, une étude contradictoire  à la méthodologie peu fiable affirme que les effets bénéfiques  du Modafinil marcheraient sur des personnes avec un petit QI (100-112). Évaluer l’intelligence uniquement avec le Q.I fait débat, et on peut envisager une dérive de type transhumaniste. L’augmentation du QI pour certaines parties de la population grâce à une pilule a de quoi faire frémir, et l’idée de sujétion mentale est digne du Meilleur des Mondes de Huxley. Le « neuroenhancement » est un concept anglo-saxon qui concerne la prise de psychostimulants par des sujets sains en dehors d’une indication médicale ou d’un contexte festif, afin d’améliorer les capacités cognitives, mentales et cérébrales. En 2009, devant l’augmentation aux États-Unis des demandes de ces nootropes, l’Académie de neurologie a publié des recommandations sur « une l’éthique responsable » de ces prescriptions.

Le but des smart-drugs est d’améliorer les performances cognitives. Depuis une dizaine d’année, tout un pan de la recherche explore les effets des stimulants cognitfs chez la malades et les bien-portants. Effets de substances naturelles (caféine, ginseng, gingko-biloba) et de substances médicamenteuses. C’est le Modafinil qui retient plus l’attention. Des chercheurs d’Oxford ont déclaré le Modafinil cet été comme une smart-drug « sûre », dépourvue d’effets secondaires à court terme chez les sujets sains. Le Modafinil serait capable d’améliorer la flexibilité mentale, la planification, la mémoire de travail; tout ce qui permet d’être fluide au niveau cognitif. Selon le psychiatre Raphaël Gaillard: « le Modafinil augmente la libération de la noradrénaline et de la dopamine, deux des principaux neurotransmetteurs qui stimulent les processus cognitifs.» Affaire à suivre…

Prendre des smart-drugs n’est pas anodin et dénué d’effets secondaires. Laurent Lecardeur, psychologue au CHU de Caen et chercheur sur le dopage cognitif constate cette banalisation inquiétante des smart drugs dans l’article Le marché de l’amélioration humaine, Vers un dopage généralisé de la cognition? et s’en inquiète: « …la consommation d’amphétamines (méthylphénidate, modafinil, bupropion) détournées de leur indication et sans prescription, sont utilisées par un nombre croissant d’étudiants (jusqu’à 20%), qui veulent diminuer le stress en période de révision, acquérir des facultés de concentration plus importantes ou tout simplement réussir , quels que soient les risques d’effets secondaires et de dépendance.»   Le chiffre de 20 pour cent est énorme et laisse présager un retour de bâton pour les usagers au niveau de leur santé physique et mentale. Laurent Lecardeur dénonce également des  technologies « plus ou moins validées » en vente libre. À l’instar des battements binauraux (fichiers qui permettraient de réduire les troubles de l’attention. Et d’autres comme la stimulation cérébrale, qui tout en renforçant certaines fonctions pourraient s’avérer délétères.

Dans la catégorie des nootropes, il faut évoquer ce marché pseudo-médicamenteux en Hand writing Placebo with markerpleine expansion. C’est celui des compléments alimentaires qui n’ont absolument aucune  utilité médicale. Des cocktails de molécules sont vendus prétendant stimuler les facultés intellectuelles. Belle illusion!

Les laboratoire spécialisés dans les compléments alimentaires utilisent  les techniques les charlatans de toujours comme des pseudo-études cliniques et un pseudo-jargon scientifique. En ce qui concerne les compléments alimentaires, supposés agir sur le cerveau et améliorer les performances intellectuelles, c’est mission impossible.

L’effet réel du pseudo-nootrope est celui de l’effet placebo: « autrement dit, le seul effet de ce traitement est de faire croire qu’ils en ont un.» Et pour conclure ce post, revenons à la fiction du film « Sans Limites »! Quant aux qualités attribuées au NZT-48, il y a une certaine morale. Happy End pour notre héros Eddie Morra! Après des rebondissements spectaculaires, il va réussir à se sevrer de cette pilule magique, tout en gardant une grande partie de son potentiel. Alors il serait plus raisonnable d’envisager un effet de la suggestion ou placebo du NZT fictif plutôt que d’envisager un effet réel sur la cognition?  La morale scientifique serait sauvegardée si vous regardez ce film très sympathique. Mais attention, c’est une fiction…

Je remercie chaleureisement Laurent Lecardeur, psychologue au CHU de Caen, centre Esquirol CNRS de m’avoir envoyé son article « Le marché de l’amélioration humaine, vers  un dopage généralisé de la cognition? » publié dans le Quotidien du médecin le jeudi 17 décembre 2015. 

Pour en savoir plus, une vidéo sur les limites des Smart-Drugs:

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