Les faux souvenirs d’abus sexuels induits par une mauvaise prise en charge psychothérapeutique sont un sujet sérieux qui concerne les professionnels de la santé mentale mais aussi le grand public.
Dans ce blog, certains de mes posts traitent d’un sujet sulfureux qui est celui des faux souvenirs d’abus sexuel induits par une mauvaise thérapie. La mémoire corrompue et falsifiée par une psychothérapie à base de suggestibilité, et est susceptible d’amener un patient à porter des accusations graves d’abus sexuels sur un proche alors que ces violences ne se sont jamais produites.
Les faux souvenirs d’abus sexuels induits par une mauvaise prise en charge psychothérapeutique sont un sujet sérieux qui concerne les professionnels de la santé mentale mais aussi le grand public.
Le sujet de ce post est encore celui des faux souvenirs induits par une thérapie à base de suggestibilité. La technique sur la sellette est celle de l’EMDR, et cette dérive de la psychothérapie se passe en Italie. Un psychothérapeute italien a été condamné à de la prison pour avoir induit de faux souvenirs d’abus sexuels chez Sara, une adolescente de quinze ans. La justice a bien identifié le coupable à l’origine des faux souvenirs induits.
Marc Gozlan explique dans son article le déroulement du process des faux souvenirs induits. La technique de l’EMDR n’est pas sans risque car mal appliquée, elle peut falsifier la mémoire. C’est « un procédé oculaire qui réduit la vivacité et la charge émotionnelle liée à la mémoire autobiographique, et permet au cerveau de digérer l’évènement traumatisant...Cela souligne avec force « la nécessité d’une formation appropriée et de programmes éducatifs pour les thérapeutes sur la science de la mémoire », estiment Henry Otgaar et ses collègues criminologues et psychologues.»(sic)
Le psychothérapeute italien est condamné à quatre ans de prison avec interdiction de pratiquer la psychologie et la psychothérapie pendant deux ans. « Le tribunal a motivé son verdict en déclarant que de faux souvenirs ont été implantés par des « méthodes hautement suggestives et inductrices » afin que Sara soit convaincue d’avoir été sexuellement abusée par son père.» (sic)
L’un des points forts de cet article, c’est celui des dialogues entre Sara et son psychothérapeute. Ils mettent en lumière les erreurs à éviter pour conduire un entretien en psychothérapie. Et on voit bien la suggestion du thérapeute qui aiguille les propos de Sara qui aurait été abusée par un ami de son père et par son père.
L’histoire de Sara pose la question de la formation des thérapeutes sur la science de la mémoire et de celle de l’utilisation éthique des techniques suggestives en thérapie.
Faut-il ou non les utiliser? Sont-elles adaptées à tout le monde? Quelle est la balance bénéfice/risque? Depuis les années 80, les dérives des techniques à base de suggestion ont bien été cernées avec les risques de générer des faux souvenirs, mais et il semblerait qu’elles soient toujours prolixes. Derrière certaines de ces techniques, on retrouve souvent cette vieille croyance sur l’existence de traumatismes refoulés dans la mémoire depuis X temps. Comment ne pas se référer à cette étude américaine publiée en 2019 dans Clinical Psychological Science qui indiquait que 9 % des 2 326 patients en thérapie s’étaient vus interrogés sur l’existence de souvenirs refoulés. »(Sic)
Scott O.Lilienfield (1960-2020) défenseur des traitements et méthodes fondées sur les preuves dans le domaine et coauteur de l’ouvrage « Science et pseudo science en psychologie clinique »a dans son livre « 50 mythes de la psychologie populaire » consacré un chapitre sur les croyances infondées concernant le fonctionnement de la mémoire telles que la mémoire fonctionne comme une vidéo en appuyant sur la touche replay, la mémoire réprimée lors de traumas, etc. Données hélas toujours d’actualité!
Ce sont six épisodes d’une heure où l’on ne s’ennuie pas un seul instant.
Si vous êtes intéréssé par la mécanique des sectes, ne manquez pas Wild Wild Country, un documentaire fabuleux proposé par Netflix. Il figure dans la bibliographie et la filmographie du dernier rapport de la MIVILUDES. Conçu comme un thriller haletant, c’est une plongée dans l’univers sectaire du gourou Bhagwan Shree Rajneesh connu en Occident sous le nom d’Osho (nom qu’il prit dans la décennie 1970/1980).
Ce documentaire réalisé par Chapman et Maclain Way est un travail colossal d’archives, montage de séquences et d’interviews des protagonistes de l’époque aussi bien dans le camp des adeptes d’Osho et de ceux qui l’ont combattu. Et c’est là où c’est magistral car cela permet au spectateur de prendre la mesure du phénomène sectaire à l’instar de jurés lors d’un procès. Ce sont six épisodes d’une heure où l’on ne s’ennuie pas un seul instant.
Tout commence en 1981, dans le comté de Wasco (Oregon) près du village d’Antelope peuplé de quarante six âmes. Ses habitants sont des conservateurs (Républicains) à la retraite, d’anciens ouvriers venus s’offrir un ranch pour y couler des jours heureux. L’un d’eux, John Silvertooth décrit Wasco comme « Une bourgade tranquille au milieu de nulle part. Isolée du monde.» Le petit coin de paradis des retraités va être chamboulé du jour au lendemain par l’arrivée des adeptes de la secte de Bhagwan Shree Rajnesh chargés de préparer le terrain pour l’installation du gourou en Amérique, réputée pour sa liberté religieuse érigée en droit fondamental. Plus de cinq ans de luttes intestines entre les habitants et la secte. Et pas des moindres: des violations en série des lois sur la fiscalité, sur l’immigration, la constitution d’une milice privée armée jusqu’aux dents, des tentatives de meurtre sur les membres influents de la secte et une attaque bioterroriste.
Mais qui est Bagwhan Shree Rajnesh? Quelques précisions sur lui et aussi quelques recherches personnelles que j’ai faites en dehors du synopsis du documentaire.
Rajneesh est né en Inde en 1931, et il est un « Godman ». Ce terme est important pour comprendre l’engouement autour de Rajneesh. « Godman désigne en Inde un demi-dieu possédant des pouvoirs paranormaux divers comme par exemple celui de guérison, de télépathie et le don d’influencer le futur. Ces demi-dieux qui sortent du lot de la condition humaine ordinaire ont souvent l’aval de larges pans de la société, et notamment de politiques qui souscrivent à leurs oeuvres de bienfaisance (construction d’hôpitaux ou d’écoles) auprès d’une population démunie et croyante en la roue de l’existence karmique (ou de la roue du Dharma). Face à ces croyances populaires, la FIRA (Federation of Indian Rationalist Associations ou Fédération des associations rationalistes indiennes a pour vocation de montrer en Inde les secrets de fabrication de ces charlatans, illusionnistes à la Houdini. L’un de ces Godman est Satya Baba évoqué dans ma recension du film Holy Smoke.
Notre demi-dieu Rajhness/Osho est bardé de diplômes. Il a obtenu en 1952, l’équivalent de l’agrégation de philosophie, et devient en 1957, professeur des universités. Il critiquait l’orthodoxie des religions et se considérait comme un athée irreligieux et à l’opposé des préceptes de vie fondés sur l’ascétisme et la frugalité. Ce que démontrera plus tard son train de vie fondé sur les donations de ses fidèles occidentaux.
Les disciples initiés de Bagwhan Shree Rajnesh vêtus d’orange s’appellent les néo-sannyasans. Ils étaient vêtus de vêtements orange. L’origine vient sans doute du mot sanscrit « sannyasā » généralement traduit par « renonciation ». C’est le renoncement au monde intronisé par le maître spirituel. Il s’agit du quatrième stade de la vie brahmanique où les désirs et les attachements sont brûlés dans le feu de la connaissance symbolisé par le port d’une robe orange.
Concernant nos néo-sannyasans, c’est le contrepied! Pas de renoncement à une libido active qui prône l’amour libre, celle de la période hippie du « Peace and Love », pas de mortification matérielle quand on sait que Baghawann shree Rajneesh avait une collection importante de rolls-royce. Les adeptes d’Osho étaient aussi appelés les Orange People (ça sonne comme un groupe de Pop Music) et plus tard, les robes furent rouges, roses et marrons.
Osho est le créateur de la méditation dynamique particulièrement adaptée aux Occidentaux. Dans le film, on voit les adeptes se livrer à cette pratique de dynamique de groupe avec des manifestations corporelles où le cri est présent, et quelques explications à son sujet s’imposent car la méthode d’Osho diffère des autres formes de méditation. Elle a inspiré nombre de thérapies du Mouvement du potentiel humain où de nombreux thérapeutes du new Age sont venus dans ses ashrams faire leurs classes .
La méditation dure une heure, et cinq phases d’exercices successifs sont proposées. Contrairement aux autres formes de méditation qui requièrent de faire le vide dans ses pensées et prônent le calme, la méditation dynamique semble en être le contrepied. Elle implique d’être à l’écoute de soi, sur le « qui vive ». « La méditation dynamique est une méditation chaotique, une folie méthodique.» Tout ce qui est réprimé en vous doit sortir.»
-La première phase est la respiration chaotique et rapide par le nez.
-La deuxième phase est la libération de la folie engrangée lors de la première phase. Je la compare au quart d’heure de folie du chat où le félin partage un moment de joie intense avec ses maîtres en miaulant, sautant de meuble en meuble, jetant ses jouets à grelot avec force vigueur dans toutes les pièces de la maison. C’est pour moi le résumé de la méditation dynamique et sans spécisme! Avec mauvais esprit, j’en conviens!
Bref, pour revenir à des propos moins excentriques, lors de la deuxième phase de la méditation dynamique, tout est permis: De l’expression corporelle intense au cri libérant les émotions les plus enfouies et libérant le conditionnement sociétal: Si vous voulez sauter, sautez.Si vous voulez danser, dansez. « Si vous voulez hurler, hurlez. (ce n’est ni plus ni moins le cri primal)! Bagwhann a été fasciné par les nouvelles thérapies (tout un poème de dérives de la psychothérapie) testées à l’Institut Big Esalen, et il les a introduites dans sa méditation dynamique avec des psychologues.
-La troisième phase de la méditation dynamique tourne autour du son « HOU » (ou « HOO »). Un mantra. Après 30 minutes de cet exercice vocal accompagné de libération physique, à l’injonction « Stop », l’adepte doit rester pétrifié tel une statue de pierre durant 15 minutes dans la position dans laquelle il observe son propre corps.
Succinctement résumé, si le taux de cortisol sérique est élevé, c’est votre santé mentale qui est affectée. La baisse du taux de cortisol agit sur le stress. Il est ainsi écrit en conclusion de cet article « que la méditation dynamique Osho produit des effets anti-stress. Le mécanisme d’action pourrait principalement être attribué à la libération d’émotions refoulées et d’inhibitions et de traumatismes psychologiques. Ainsi, la méditation dynamique pourrait être recommandée pour l’amélioration du stress et des troubles physiques et mentaux liés au stress. ». Le but d’une telle étude était (ou est) d’introduire la méditation dynamique dans les hôpitaux.
Mais peut-on séparer une technique de méditation de l’idéologie sectaire d’Osho même s’il est mort? Son enseignement demeure et reste encore une entreprise lucrative. Cette étude est un cheval de Troie, un classique des dérives sectaires de la psychothérapie.
J’ai voulu en savoir plus sur le journal JCDR, et comme on peut le lire noir sur blanc, c’est une revue indienne émanant d’une fondation spécialisée dans la médecine aryuvédique. De plus, cette revue indienne ne participe plus à PMC, c.a.d à l’archive qui donne accès gratuitement au texte intégral d’articles de revues biomédicales et des sciences de la vie, lancée en février 2000 par la National Library of Medicine des National Institutes of Health (NLM/NIH) aux États-Unis. De la pseudo-science qui avance masquée même s’il est fait mention du taux de cortisol.
Après ces digressions, revenons au documentaire Wild Wild Country. L’arrivée de l’avant-garde néo-sannyasan comprenant sa disciple secrétaire et porte-parole d’Osho Ma Anand Sheel perturbe la vie de cette bourgade. C’est Ma Anand Sheel et son mari qui achètent le Big Muddy Ranch près d’Antilope, et très vite, le ranch se transforme en une ville moderne grâce aux adeptes issus de tous les corps de métier du BTP et de la société civile qui vont mettre la main à la pâte et au porte-feuille. De l’ingénieur à l’architecte en passant par l’agriculteur et autres métiers. La ville sera rebaptisée Rajneeshpuram et comprendra des hôtels,un aéroport, des boutiques et 8000 mètres carrés de halls de réunion sous la gérance de Ma Anand Sheel. « Les images d’archives » montrant la construction de cette ville en un temps record sont impressionnantes, et on peut mesurer le succès de cette secte à ce monde grouillant dans la ville. La Babylone du New Age.
La tension continue de monter entre la secte et les habitants. Certains habitants son harcelés par les néo-sannyasans qui épient leurs moindre faits et gestes et les photographient dès qu’ils sortent de chez eux. le ton monte et les habitants songent à déloger les adeptes par les armes. Pour riposter, A.Sheel le bras droit d’Osho va créer sa milice avec des adeptes formés au tir et armés de Uzi.
Les adeptes de la secte réussissent à s’introduire petit à petit dans le conseil municipal pour imposer leurs règles, mais ils voulaient plus de pouvoir. Ils souhaitaient neutraliser la population votante de la ville pour gagner les élections de 1984 dans le comté de Wasco. Ma Ananda Sheel avec une poignée de disciples met au point une attaque bioterroriste. C’est une intoxication alimentaire en contaminant délibérément une douzaine des bars à salades des restaurants locaux du comté avec la bactérie responsable de la salmonelle. 750 personnes furent empoisonnées, 45 personnes furent hospitalisées et il n’y a pas eu de décès. Cette contamination et décrite comme la première attaque bioterroriste aux États-Unis et la plus importante de l’histoire américaine. Ma Ananda Sheel sera arrêtée en 1985 en Allemagne puis extradée aux États-Unis en 1986. Elle sera condamnée à 24 ans de prison, à une forte amende et à des dommages et intérêts pour le comté de Wasco. Elle sera relâchée au bout de deux ans pour bonne conduite.
Et Osho dans le reportage? Évidemment, on le voit arriver accueilli dans l’ashram tel une rock star par ses adeptes dans l’une de ses 93 Rolls-royce. Les archives font état du silence public d’Osho qui cessa le 30 octobre 1984. Ses nombreuses démêlées avec la justice américaine mèneront à son arrestation à bord d’un jet privé loué avec une poignée d’adeptes en route vers les Bermudes. Il sera condamné à dix ans de prison avec sursis et à une forte amende et assigné à quitter les États-Unis sans y revenir au moins avant cinq ans. Par la suite, ses tribulations continuèrent de pays en pays jusqu’à sa mort le 19 janvier 1990 à Puna (Inde).
Le groupe va disparaitre après l’attaque bioterroriste de The Dalles. et les habitants ont repris le cours de leur vie. Aujourd’hui Antelope est devenu l’un des plus grands camps de jeunes Chrétiens du monde.
Dans Wild Wild Country, les interviews des protagonistes éclipsent Osho qui en devient presque un personnage secondaire. Outre le personnage de Ma Ananda Sheer, l’un des avocats d’Osho, Philippe Toelker à travers ses interviews montre les zones d’ombre que l’on peut trouver chez certains adeptes partagés après la disparition de l’ashram américain entre nostalgie et regrets de ne pas avoir pu continuer l’oeuvre d’Osho.
Le portrait de Ma ananda Sheel est celui qui a le plus retenu mon attention. Si on ne peut s’empêcher de trouver Philippe Toelker sympathique par son pragmatisme et sa vision des faits exposée factuellement, Ma Ananda Sheel est un personnage trouble. Et ce qui est fascinant, c’est sa faculté à rebondir après le démantèlement de la ville de Rajneehpuram, elle s’est installée dans la Suisse profonde et a repris son nom de femmes mariée, Sheela Bernstein.
Elle a ouvert un centre pour handicapés constitué de deux maisons; l’un est Matrusasdem et l’autre Bapusaden. C’est le foyer de la dernière chance et des exclus du système de prise en charge classique.«Nous sommes connus pour traiter des patients difficiles qui n’ont pas trouvé de place dans d’autres instituts à cause de leur handicap. Nous avons des gens qui ont visité 15 autres foyers et aucun n’a fonctionné pour eux», dit Sheela. Le fonctionnement de son centre est atypique et s’est inspirée quelque part des ashrams d’Osho. L’état suisse couvre une partie ou totalement les frais d’hébergemenbt des pensionnaires.
Ce qui est intriguant c’est qu’elle garde dans sa chambre une photo d’Osho à qui elle sert du champagne. Surprenant quand on sait qu’Osho a rejeté sur elle l’entière responsabilité de l’attaque de The Dalles et qu’il l’a déchue de ses reponsabilités dans son ashram américain. Elle continue à parler de lui en termes élogieux: « C’est une couronne que je porte encore aujourd’hui et je n’ai jamais eu honte. Ce fut un honneur de vivre près d’hommes comme Bhagwan. Il a eu une influence majeure sur mon expérience de vie, qui en retour influence mon travail», dit-elle.
Et c’est bien toute la problématique de l’endoctrinement sectaire. C’est un processus en trois étapes: d’abord la séduction (l’attrait de la nouveauté, Peace and Love, exotisme car l’herbe est plus verte ailleurs pour la spiritualité), puis vient la destruction de l’ancienne personnalité avec l’enseignement du gourou et la rupture avec l’ancien mode de vie, et la dernière étape est celle de la reconstruction de la personnalité suivant les normes du groupe sectaire. Et justement, les interviews des figures majeures du mouvement d’Osho montrent cette problématique de l’endoctrinement sectaire. Et il y a un impossible retour en arrière sur la personnalité d’antan quand on sort de la secte. La prévention reste le meilleur outil de lutte contre les dérives sectaires.